Taxe farine - finalement non remise en cause dans la loi de finances pour 2017

Niveau juridique : France

A retenir : la suppression de la taxe farine n’a finalement pas été retenue par les parlementaires. En pratique le gouvernement a été un acteur important pour ne pas que cette taxe soit supprimée : car cela aurait supprimé des recettes et qu’il ne souhaite pas mettre en place la solution de substitution proposée par certains députés pour compenser ce manque à gagner, à savoir une taxe sur les boissons sucrées.

HISTORIQUE

  • PREMIÈRE LECTURE ASSEMBLÉE NATIONALE : l’article 48 du projet de loi budget pour 2017 adopté supprime l’article 1618 septies du code général des Impots (article la taxe farine).

  • PREMIÈRE LECTURE SÉNAT : pas de changement, suppression de la taxe maintenue.

  • COMMISSION MIXTE PARITAIRE sur l’ensemble du projet de loi : pas d’accord.

  • SECONDE LECTURE ASSEMBLÉE NATIONALE :

* En commission, un amendement porté par la députée PS Valarié Rabault remet en cause la suppression de la taxe farine. L’amendement est adopté : www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/4271/CION_FIN/CF156.asp.

Extrait du CR de la commission des finances du 17-12-2016 qui adopte cet amendement :

« Puis elle en vient à l’amendement CF156 de la rapporteure générale.

Mme la rapporteure générale. Cet amendement risque de déplaire à certains professionnels, mais tant pis.

En première lecture, notre Assemblée a voté la suppression de la taxe sur les farines, mais sans adopter ensuite une mesure complémentaire qui nous aurait procuré des recettes de remplacement. En effet, l’amendement bienvenu de Joël Giraud qui tendait à relever, en contrepartie de cette suppression, la taxe sur les boissons sucrées et édulcorées, avait été adopté par notre commission, mais a ensuite fait l’objet d’un avis défavorable du Gouvernement et n’a finalement pas été adopté en séance. En conséquence, nous n’avons pas les quelque 70 millions d’euros que l’amendement Giraud aurait permis de dégager, et si nous maintenons la suppression de la taxe sur les farines, nous risquons de créer l’an prochain un trou de 66 millions d’euros dans le budget de la Mutualité sociale agricole (MSA), ce qui ne me paraît pas souhaitable.

Je vous propose donc de revenir sur cette suppression de taxe.

M. le président Gilles Carrez. Ce faisant, la rapporteure générale est entièrement dans son rôle.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’entends son souci d’équilibre budgétaire, mais nous étions tous d’accord pour considérer que la taxe sur les farines était injuste, difficile à appliquer, soustraite à tout contrôle opérationnel avéré, et qu’elle pénalisait l’ensemble de la meunerie française. Si sa suppression déséquilibre le budget de la MSA, ne peut-on trouver ces 66 millions d’euros ailleurs, au lieu de faire porter le poids de cette fiscalité par ce secteur ?

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 48 modifié. »

Lien vers le CR de la commission des finances du 14-12-2016 : www.assemblee-nationale.fr/14/cr-cfiab/16-17/c1617049.asp

 

* En plénière, 2nde lecture Assemblée Nationale : la question de la suppression ou non de la taxe farine a encore été discutée.

A retenir : le gouvernement n’est pas favorable à la suppression sur la taxe farine car cela supprime des recettes et il ne souhaite pas mettre en place la solution de substitution proposée par certains députés pour compenser ce manque à gagner, à savoir une taxe sur les boissons sucrées.

Lien vers le CR de la séance plénière du 16-12-2016 : www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2016-2017/20170085.asp

Ci-dessous extrait des débats en séance plénière du 16-12-2016 (nous n’avons pas trouvé en ligne les deux amendements discutés mais ils doivent à priori concerné la non-suppression de la taxe »)

«  M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 495 et 591.

La parole est à M. le secrétaire d’État, pour soutenir l’amendement no 495.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Nous avons eu de longs débats sur les taxes alimentaires. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

M. le président. Mes chers collègues, seul M. le secrétaire d’État a la parole.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il était tout à l’heure questions de 2 millions d’euros, mais il s’agit ici de 65 millions : peut-être pourriez-vous y consacrer trente fois plus d’attention ! La taxe sur les farines a été supprimée par votre assemblée. Je ne veux pas entrer à nouveau dans les détails de ce débat récurrent. Cette somme est affectée à la Mutualité sociale agricole – MSA – pour les retraites agricoles, ce qui nous pose un problème. Le Gouvernement souhaite donc rétablir cette taxe. Vous en déciderez, bien entendu, en votre âme et conscience, mais je tiens à vous informer que nous rencontrons déjà un problème de financement des retraites complémentaires des exploitants agricoles, pour lesquelles se présente dès 2017 un risque d’épuisement des réserves. Le Gouvernement vous propose donc de revenir sur la décision prise par votre assemblée en première lecture.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale, pour soutenir l’amendement no 591.

Mme Valérie Rabault, rapporteure générale. La commission des finances a voté exactement le même amendement visant à rétablir la taxe sur les farines.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je tiens à témoigner que le travail accompli par M. Hammadi et Mme Louwagie est un bon travail, qui doit aboutir. La taxe sur les farines est un vrai problème, car nous avons, dans nos secteurs les plus dispersés, des producteurs de biscuiterie, qui n’ont aujourd’hui plus intérêt à acheter de la farine française, étant donné celle-ci est plus chère, en particulier du fait de cette taxe.

M. Razzy Hammadi. Eh oui !

M. Marc Le Fur. Ces producteurs achètent donc de la farine étrangère – et pas seulement ceux qui sont proches de nos frontières. C’est une difficulté qu’il faut connaître.

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons cependant le sens de nos responsabilités : étant donné que cette taxe concourt au financement de la MSA, nous avons élaboré en commission des finances un système alternatif de financement – du reste plus efficace – de cette dernière, reposant notamment sur les boissons sucrées. Il nous faut donc être cohérents pour notre économie, tout en restant– comme nous le sommes et comme l’est notre collègue Hammadi, qui a défendu ce dossier avec beaucoup d’énergie – soucieux de l’équilibre de la MSA.

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Je formulerai deux remarques. Je voudrais tout d’abord faire état d’une forme de désillusion sincère. Nous avons en effet eu ce matin de nombreux débats où nous avons évoqué le respect du Parlement, à propos notamment des deuxièmes délibérations. Deux députés travaillent à un rapport, lequel donne lieu à des préconisations dont nous n’avons pas dit qu’elles étaient à prendre ou à laisser. Mme Rabault a rappelé à juste titre que l’un des rapporteurs proposait des économies ou des contreparties, et l’autre non. Il s’agissait là de la fiscalité sur le sucre, que j’étais prêt à assumer.

Monsieur le secrétaire d’État, la gauche perd à ne pas s’impliquer, à ne pas s’engager pleinement sur la question de l’alimentation, sur l’enjeu de la fiscalité de l’alimentation.

M. Yann Galut. Et du manger français !

M. Razzy Hammadi. C’est l’enjeu du XXIe siècle en termes de santé publique et de circuits courts, ainsi que sous de nombreux aspects qui sont des priorités pour les Françaises et les Français. C’est sous cet angle que je l’ai abordé.

Je conclurai en rappelant que, bien que nous ayons appelé à de nombreuses reprises à des réunions de travail, nous ne les avons jamais eues, sinon pour nous entendre dire que c’était à prendre ou à laisser : soit nous ne faisions rien, soit, si nous allions au vote, on s’opposerait à tout.

Ce n’est pas normal, et c’est là que s’exprime ma double désillusion. Pendant des mois en effet, on nous a déclaré que nous ne pouvions pas adopter une telle mesure, au motif qu’elle retirerait de l’argent à la MSA. Il y a là de l’hypocrisie, car ce que propose le Gouvernement consiste à affecter les recettes de la taxe sur les farines, non pas à la MSA, mais aux retraites agricoles. Manquait-il, oui ou non, de l’argent pour la MSA – ce qui était votre argument pendant des mois ? S’il en manquait, pourquoi le donnez-vous aujourd’hui aux retraites ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il n’y a aucune ambiguïté quant au respect Parlement. Nous n’avons en effet pas demandé de seconde délibération en première lecture.

M. Razzy Hammadi. Non, mais il y en a eu beaucoup dans l’histoire !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je n’ai pas demandé de deuxième délibération. La seule qui ait été demandée portait sur le prélèvement à la source, en raison d’une erreur de vote que vous pouvez certes stigmatiser, mais que tous les députés présents ont reconnue.

M. Razzy Hammadi. Je ne vous ai pas fait de reproches !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Il n’y a pas eu de seconde délibération sur ce point en première lecture.

Le Gouvernement veut éviter, je le répète, de reporter les recettes sur des produits tels que ceux que vous proposez, comme les boissons sucrées – suivez mon regard ! –, produits consommés par une très grande majorité de Français. C’est peut-être votre choix, mais ce n’est pas celui du Gouvernement.

M. Razzy Hammadi. Ce n’est pas ma proposition !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. J’ignore si c’est la vôtre, monsieur Hammadi, mais elle figurait dans votre rapport.

Votre rapport proposait des recettes de substitution pour conserver un équilibre financier. La principale de ces recettes consistait en une taxe sur les boissons sucrées – encore une fois, je ne citerai pas de marque : vous savez bien lesquelles de ces boissons sont les plus consommées dans notre pays ! Le Gouvernement n’est pas favorable à cette solution, comme je vous l’ai dit à plusieurs reprises. Cela a été, bien sûr, discuté à un échelon intergouvernemental.

Enfin, monsieur Le Fur, il faut cesser de dire que le prix de la farine française est plus élevé que celui de la farine étrangère. Les farines qui viennent de l’étranger sont taxées au même titre que les farines françaises. Vous dites qu’il y a de la contrebande, que nous ne sommes pas capables de l’empêcher. Certes, il est possible que certains boulangers qui exercent à quelques kilomètres de la frontière fassent un petit peu de trafic. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de contrebande, surtout pour les produits dont le prix diffère de façon importante selon les pays.

M. Pascal Cherki et M. Razzy Hammadi. Comme les cigarettes !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Par exemple, ou l’essence. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement est défavorable à votre solution, monsieur le député ; je l’ai expliqué à plusieurs reprises. Je ne suis pas pour autant en train de vous dire que si elle prévalait, le Gouvernement demanderait nécessairement une seconde délibération – nous nous interrogerions sur l’opportunité de le faire, bien entendu.

M. Razzy Hammadi. Vous allez détruire des emplois français !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Je ne vous menace pas, mais les secondes délibérations servent, parfois, à marquer une position politique ferme – de la part du Gouvernement… comme de la part de certains parlementaires.

M. Razzy Hammadi. Ce que je proposais, c’était simplement de taxer moins les produits sains, et plus les produits malsains !

(Les amendements identiques nos 495 et 591 sont adoptés.)

(L’article 48, amendé, est adopté.) »

  • SECONDE LECTURE SÉNAT : 19-12-2016, séance plénière, le projet de loi de finances pour 2017 est rejeté.

  • LECTURE DÉFINITIVE ASSEMBLÉE NATIONALE  : 20-12-2016, pas de changement sur la partie qui nous concerne par rapport à la 2nde lecture Assemblée Nationale. En pratique, la suppression de la taxe farine n’est pas maintenue.