Niveau juridique : France
Question publiée au JO le : 28/04/2015
Réponse publiée au JO le : 04/08/2015
Texte de la question
M. Jacques Cresta appelle l’attention de M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur les négociations en cours en vue d’établir un partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TAFTA). Le 14 juin 2013, la France donnait mandat à la Commission européenne de la représenter, comme l’ont fait également les 27 autres pays européens. Depuis les négociations continuent, les travaux de la 8ème session se sont achevés le 6 février 2015. Le futur traité prévoit la création d’une gigantesque zone de libre-échange transatlantique de 820 millions de consommateurs en allégeant les tarifs de douanes et en harmonisant les réglementations de part et d’autre de l’Atlantique. Si un accord est trouvé, il devra être ratifié par le Parlement européen et peut être aussi par les Parlements nationaux puisque de nombreuses dispositions touchent à la compétence de chacun des États. Sur ce point, de nombreux observateurs craignent que les acquis de la France, comme tout autre État membre de l’Union européenne, soient mis à mal, notamment en matière sociale, environnementale, alimentaire et sanitaire. Ils redoutent également la remise en cause des prérogatives des collectivités territoriales : il semblerait que certains articles dudit mandat (articles 4, 23, 24, 27 et 45), publié plus d’un an après, fassent état de cette soumission de l’ensemble des réglementations nationales au futur traité. Il lui demande alors de bien vouloir clarifier les conditions d’application des futures dispositions de cet accord sur notre droit français et de certifier que le pouvoir réglementaire des collectivités territoriales sera préservé eu égard aux dispositions de l’article 72 de la Constitution.
Texte de la réponse
Par plusieurs dispositions expresses, le mandat de négociation du partenariat commercial transatlantique, octroyé à la Commission par les Etats membres, assure que l’accord final sera fondé sur les valeurs des droits de l’Homme, des libertés fondamentales, de la démocratie et de l’Etat de droit, et qu’il s’inscrira dans la perspective de promouvoir le travail décent et la préservation de l’environnement et des ressources naturelles, tout en garantissant le droit des parties à prendre les mesures qu’elles estiment nécessaires pour atteindre les objectifs légitimes de protection de la santé, de la sécurité, du travail, des consommateurs, de l’environnement et de la diversité culturelle. Au sein des articles 4, 23, 24, 27 et 45 du mandat de négociation, certaines dispositions posent le principe d’une applicabilité de l’accord final aux collectivités locales. Cela vise à assurer la réciprocité des engagements de part et d’autre de l’Atlantique. Ainsi, s’agissant des marchés publics, l’article 24 du mandat assure la réciprocité dans les engagements entre les parties. Il est spécifié que l’accord devra inclure des dispositions permettant de démanteler les barrières qui ont un impact négatif sur l’ouverture des marchés publics, y compris les dispositions relatives au contenu local, ce qui inclut la loi « Buy American Act », obstacle majeur aux exportations vers les Etats-Unis, et expressément citée à cet article 24. Dès lors, de telles dispositions doivent être regardées comme un moyen d’assurer que les PME européennes puissent bénéficier de l’ouverture des marchés publics américains, y compris au niveau subfédéral. En regard, d’autres dispositions, au sein de ces mêmes articles, viennent équilibrer le mandat en posant le principe selon lequel l’accord final ne nuira pas à la capacité des Etats membres et de leurs entités (ce qui inclut les collectivités territoriales en France) d’émettre des règles de droit dans les domaines de leur compétence, notamment les domaines social et environnemental. En ce sens, l’article 23 sur l’investissement est complété par un alinéa 7, qui tend à assurer que l’ensemble de ses dispositions entreront en vigueur sans préjudice du droit de l’Union et de ses Etats membres d’adopter, en accord avec leur propres compétences, des mesures nécessaires à la poursuite d’objectifs légitimes de politiques publiques, dans les domaines social, environnemental, de sécurité et de stabilité du système financier, de santé et de sécurité publique. Il est par ailleurs spécifié que l’accord respectera les politiques de l’Union et de ses Etats membres concernant la protection de la diversité culturelle. L’ensemble de ces garanties correspond à la pratique de l’Union européenne dans sa conduite des négociations d’accords commerciaux, conformément aux principes de la Charte des droits fondamentaux de l’Union et à la répartition des compétences entre UE et Etats membres. Ainsi, aucun accord commercial n’a engendré à ce jour de règles empêchant les Etats membres et leurs entités publiques de légiférer dans les domaines de politique publique qui ressortent de leur compétence et le partenariat commercial transatlantique ne fera pas exception. En outre, à l’issue de la négociation, l’accord devra recueillir l’approbation du Parlement européen, et sa ratification devra être autorisée par les 28 parlements nationaux. L’accord devra donc répondre aux préoccupations des Etats membres et de leurs citoyens pour recueillir leur assentiment. La représentation nationale, ainsi amenée à se prononcer sur le texte final de l’accord, pourra le rejeter s’il contrevient aux intérêts fondamentaux de la France.