Charlotte Krinke, stagiaire RSP,
Résumé
Le document ci-joint a pour objet de présenter de manière synthétique la mise en œuvre, par quatre États, de la Convention sur le brevet européen et de la directive de l’Union européenne (trois membres de l’Union européenne et la Suisse1), et de mettre ainsi en avant les différences des législations nationales.
Car si ces textes précisent ce qui est brevetable, ils ne prescrivent pas ce que les États doivent breveter : les États peuvent donc restreindre le champ de la brevetabilité ainsi que l’étendue des droits du titulaire du brevet, par exemple en introduisant une exception du sélectionneur ou de l’agriculteur. Par ailleurs, les modalités de lutte contre la contrefaçon ne sont pas non plus réglementés, d’où des variations d’un État à un autre.
Il s’agit ici de mettre en perspective les législations nationales de quatre pays, dont la Suisse qui a la particularité d’être hors de l’Union-Européenne, à travers des tableaux de synthèse permettant de comprendre :
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qui délivre les brevets (tableau 1) ;
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ce qui est exclu de la brevetabilité et l’étendue de la protection conférée par le brevet (tableaux 2 et 3 ) ;
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quels sont les effets et la durée de cette protection, ainsi que les modalités de lutte contre la contrefaçon (tableaux 4 et 5).
Les tableaux de synthèse sont suivis d’une bibliographie présentant les textes réglementaires nationaux et européens des pays étudiés.
À télécharger
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rsp._fiche_synthese_dpi_brevet_vf.pdf (120 Kio)
Texte complet
Privilégié par les entreprises issues de l’agrochimie, le brevet est un droit de propriété industrielle (DPI) qui confère à son titulaire un droit d’exploitation exclusif du bien sur lequel porte le brevet. Protégeant une innovation technique, c’est-à-dire un produit ou un procédé qui apporte une nouvelle solution technique à un problème technique donné, le brevet ne prévoit pas la possibilité de l’utilisation de l’innovation protégée sans l’accord de son titulaire.
Pour pouvoir être protégée par un brevet, y compris lorsqu’elle a trait au domaine du végétal, l’invention doit être nouvelle, impliquer une activité inventive et être susceptible d’application industrielle.
Le brevet obéit au principe de territorialité selon lequel le champ d’application d’une règle est limité à un espace territorial donné. Cela signifie que les droits qu’il confère n’ont d’effets que dans les limites du territoire dans lequel le brevet a été délivré. Concrètement, si le brevet est délivré en France, il ne produira ses effets qu’en France, et sa protection s’effectuera sur la base des lois et règlements applicables en France. Déposer une demande de brevet auprès de l’Office européen des brevets au titre de la Convention sur le brevet européen (CBE) ou auprès de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) au titre du Traité de coopération en matière de brevets permet d’atténuer le principe de territorialité : ces brevets produisent respectivement leurs effets dans les 38 États européens parties à la CBE, et dans les 148 États parties au Traité de l’OMPI. Le projet de brevet unitaire va encore plus loin dans le dépassement du principe de territorialité des droits de propriété intellectuelle. Mis en place par le Règlement UE 1257/2012 du Parlement et du Conseil du 17 décembre 2012 mettant en œuvre la coopération renforcée dans le domaine de la création d’une protection unitaire conférée par le brevet, le brevet unitaire sera délivré par l’OEB au titre de la CBE, et aura les mêmes effets sur la totalité du territoire des 25 États membres participants. En plus de la création d’un brevet unitaire est prévue la création d’une juridiction unifiée qui connaîtra des litiges en matière de contrefaçon et de validité des brevets unitaires européens, et qui se substituera au système juridictionnel national décentralisé actuellement compétent en la matière. Les décisions de cette juridiction auront effet sur la totalité du territoire des 25 États membres participants.
Le brevet a longtemps été considéré inadapté à la protection des innovations végétales en Europe. Mais sous l’effet du développement du génie génétique dans les années 1970, le droit du brevet s’est inséré de manière de plus en plus pressante dans la protection juridique des créations variétales. Au sein de l’Union Européenne, cette évolution a conduit à et a été stimulée par l’adoption de la directive 98/44/CE relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques. Celle-ci consacre la brevetabilité d’innovations qui relèvent notamment de la sélection végétale. La directive a été intégrée dans le corpus juridique de la Convention sur le brevet européen qui réunit 38 pays du continent européen au sein de l’Organisation Européenne des Brevets. Cette évolution juridique a permis la délivrance de brevets sur des plantes transgéniques mais aussi, au fil des évolutions techniques, sur des caractères et traits « natifs ».