BASF vs DuPont

Les firmes multinationales reconnaissent que la mutagénèse leur permet de protéger leurs variétés par un brevet sur la « technologie » utilisée pour leur sélection.

Guy Kastler & Anne-Charlotte Moÿ,

Résumé

Les firmes semencières présentent la mutagenèse provoquée par stress chimique,

irradiation ou par utilisation intensive d’herbicides au champ, comme une méthode de sélection traditionnelle, ce qui leur permet de vendre leurs variétés ainsi obtenues en laissant entendre que rien ne les différentie des variétés «traditionnelles». Pourtant cette technologie n’a rien de banale etle récent conflit opposant BASF à Du Pont démontre que ces variétés contiennent des gènes facilement identifiables révélant l’utilisation de leur technologie brevetée. Ce fichage génétique leur permettra aussi d’exiger des royalties de tout agriculteur reproduisant ses semences de ferme si elles sont issues de variétés ainsi protégées, mais aussi si sa propre variété a été contaminée par des gènes brevetés venant des champs voisins, comme ce fut le cas dans la célèbre affaire Percy Schmeiser.

Texte complet

Les firmes multinationales reconnaissent que la mutagénèse leur permet de protéger leurs variétés par un brevet sur la « technologie » utilisée pour leur

sélection.

Les firmes semencières présentent la mutagénèse provoquée par stress chimique,

irradiation ou par utilisation intensive d’herbicides au champ, comme une méthode de sélection traditionnelle, ce qui leur permet de vendre leurs variétés ainsi obtenues en laissant entendre que rien ne les différentie des variétés « traditionnelles ». D’autre part, la directive 2001/18 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement1 définit la mutagénèse (provoquée) comme une technique donnant naissance à des produits OGM, mais les exclue de son champ d’application. Une des conséquences de cette exclusion est que les semences issues de la mutagenèse ne sont pas soumises aux mêmes exigences d’évaluation, de traçabilité et d’informations du public que celles imposées aux plantes transgéniques. Pourtant, la mutagenèse pose les mêmes problèmes que la transgénèse en terme de déstabilisation du génome et de risque de réarrangements génétiques non intentionnels, non visibles, mais pouvant porter atteinte à la santé et/ou à l’environnement. Elle permet aussi de déposer un droit de propriété intellectuelle sur la technologie (le gène muté et sa fonction) intégrée dans la variété. Récemment, la firme agrochimique BASF a

engagé un procès contre Du Pont et sa filiale Pioneer Hi-Bred, devant la Cour du District de Delaware aux Etats-Unis, pour non respect d’un brevet sur une de ces technologies. En effet, Du Pont aurait introduit (illégalement) dans son maïs GAT optimum, la technologie brevetée de BASF permettant d’obtenir des semences résistantes à un herbicide. Suite à cette action, et comme aucun compromis commercial n’a pu être trouvé entre les deux firmes, Du Pont a décidé d’engager à son tour un procès contre BASF. Ce conflit entre BASF et Du Pont démontre que ces variétés contiennent des gènes facilement identifiables révélant l’utilisation

de leur technologie brevetée. Ce fichage génétique leur permettra aussi d’exiger des royalties de tout agriculteur reproduisant ses semences de ferme si elles sont issues de variétés ainsi protégées, mais aussi si sa propre variété a été contaminée par des gènes brevetés venant des champs voisins, comme ce fut le cas dans la célèbre affaire Percy Schmeiser.

Guy Kastler & Anne-Charlotte Moÿ

Réseau semences paysannes

D’après un article publié dans la revue Agrafil du 2 juin 2009

Pour plus de détails voir aussi www.basf.com

 

1 Directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination

volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE

du Conseil