Niveau juridique : Union européenne
Si le traité ACTA fait l’objet de vives protestations depuis quelques semaines de la part des défenseurs de l’internet libre, force est de constater qu’il ne toucherait pas uniquement au respect des droits d’auteur sur l’internet, mais aussi à la contrefaçon du vivant. En effet, si les termes «semences» ou «agriculture» ne sont pas spécifiquement mentionnés dans le traité, le texte entend protéger «tous les secteurs de la propriété intellectuelle qui font l’objet des sections 1 à 7 de la Partie II de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), dont le “brevet”. Or, sont aussi sous brevet des animaux, des plantes et des médicaments. Il n’y aurait donc pas de distinction de traitement entre un jouet et un sachet de semences. On ne peut évidemment qu’assimiler cette législation à celle des États-Unis où “le brevet fait loi”, le propriétaire du titre pouvant faire saisir la marchandise. À titre d’exemple, Monsanto n’hésite pas à envoyer des experts dans les champs, la firme faisant payer des dommages et intérêts très lourds aux agriculteurs concernés.
En Europe, si la production et l’utilisation des semences sont protégées par un certificat d’obtention végétale, le nombre de semences agricoles brevetées ne cesse d’augmenter. D’une part, avec les OGM, protégés par un brevet et d’autre part, par la directive 98/44/CE, adoptée par l’Union européenne en 1998 et qui protège toutes les inventions biotechnologiques. “Breveter une variété est toujours interdit, mais en revanche, un procédé de sélection ou un gène sont brevetables. Autrement dit, le brevet n’est plus réservé aux OGM”. En conséquence de quoi si un gène à l’intérieur d’une graine est breveté, c’est toute la graine qui est protégée par le droit. Les semences, les fruits, les légumes issus de ces procédés brevetés le sont aussi. Chaque année, près de 150 demandes de brevets parviennent à l’OEB, pour des plantes non génétiquement modifiées. Ils sont majoritairement demandés par des multinationales comme Monsanto ou Syngenta, lesquelles ont donc tout à gagner dans l’application d’un traité mondial protégeant la contrefaçon et qui faciliterait l’application de sanctions dans l’Union. Un autre reproche à l’encontre du brevet sur le vivant est le risque de contamination.
En effet, si le champ d’un agriculteur est contaminé par une semence brevetée, qui paiera? On peut citer en exemple le cas des agriculteurs de Tarn et Garonne, en France, furieux que la firme Monsanto exige l’interdiction de la vente de tout miel contenant du pollen du maïs MON 810, voire sa destruction.
— La Commission a-t-elle mesuré les conséquences du traité ACTA sur la liberté de semer des agriculteurs?
— L’objectif est-il à nouveau de favoriser les grands groupes semenciers?
21 juin 2012
E-004970/2012
Réponse donnée par M. De Gucht au nom de la Commission européenne
L’accord commercial anti-contrefaçon (ACTA) n’affectera pas le cadre juridique qui garantit aux agriculteurs européens la liberté de semer ou de planter les variétés qui ont leur préférence. Ainsi que la Commission l’a souligné à plusieurs reprises, l’ACTA ne modifie pas la législation existante de l’UE relative à l’application des droits de propriété intellectuelle, qui est le régime qui restera directement applicable aux citoyens européens, y compris aux exploitants agricoles. Par ailleurs, la plupart des dispositions de l’ACTA ne sont pas impératives en matière d’infractions au droit des brevets (c’est le cas des dispositions de droit civil et des mesures prises aux frontières) ou, en ce qui concerne les procédure pénales, ne s’appliquent simplement pas aux infractions autres que les actes délibérés de contrefaçon de marque et le piratage portant atteinte au droit d’auteur ou à des droits connexes, commis à une échelle commerciale. Toute pratique considérée comme légale ou illégale au sein de l’UE avant l’entrée en vigueur de l’ACTA gardera ce même statut après son entrée également, étant donné que cet accord règlemente exclusivement l’application des droits de propriété intellectuelle sans affecter la substance de la législation relative aux droits de propriété intellectuelle (voir article 3.1 de l’ACTA).
L’ACTA constitue un moyen d’étendre les bénéfices du régime européen des DPI à dix autres pays au-delà de nos frontières, dans le contexte du marché mondial. Il représente une étape modeste, mais significative, dans la lutte contre la contrefaçon et l’industrie du piratage à l’échelle mondiale ― une industrie dont les gains sont estimés à plus de 200 milliards d’euros par an. Cet accord bénéficiera aux petites et aux grandes industries européennes, aux artistes, créateurs et innovateurs qui exportent leurs biens à travers le monde, aussi bien qu’aux citoyens européens dont le travail est en lien direct avec la créativité, l’innovation, la qualité et la culture.
www.europarl.europa.eu/sides/getAllAnswers.do?reference=E-2012-004970&language=FR