Niveau juridique : France
Question publiée au JO le : 11/02/2014 page : 1171
Texte de la question
M. Jean-Claude Mathis attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt sur les inquiétudes exprimées par la Coordination rurale concernant la proposition de loi adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon. En effet, la Coordination rurale, 2e syndicat agricole de France, craint que cette proposition de loi engendre de dangereuses conséquences pour les agriculteurs produisant des semences fermières, si elle était adoptée en l’état. Cette proposition de loi a pour objet de renforcer l’arsenal juridique existant de lutte contre la contrefaçon en renforçant les droits des obtenteurs de variétés végétales en matière d’indemnisation et également en leur permettant de saisir directement les services des douanes sur la base d’une simple présomption pour réaliser des saisies chez les contrefacteurs, qui compte tenu de la rédaction actuelle de la proposition de loi, pourraient être des agriculteurs. De plus, le pouvoir des douanes est accru en matière d’infiltration et il est même prévu la possibilité de détruire une récolte issue de semences fermières sur simple suspicion ! La Coordination rurale a saisi les sénateurs mais ces derniers ont considéré que la dérogation reconnue au profit des semences de ferme consacrée par la loi de 2011 empêchait qu’elles soient assimilées à des contrefaçons et qu’elles n’étaient dès lors pas concernées par la présente proposition. Pourtant, elles le sont bien. En effet, les certificats d’obtention végétale (COV) sont des droits protégés contre la contrefaçon comme le prévoit expressément l’article L. 623-25 du code de propriété intellectuelle (CPI). Donc tout exploitant qui userait d’une semence fermière sans autorisation du titulaire du COV peut être poursuivi pour contrefaçon. Certes, il existe une exception légale visée par l’article précité qui renvoie à l’article L. 623-24-1 du CPI permettant à un exploitant d’user de semences sans autorisation de l’obtenteur. Mais cette exception s’applique uniquement si deux conditions sont réunies à savoir, l’utilisation d’une des 21 espèces visées par le règlement (CE) n° 2100-94 et le paiement de royalties à l’obtenteur. Par conséquent, l’exploitant qui ressèmera une espèce ne faisant pas partie des 21 espèces « autorisées » (du soja par exemple) ou qui ressèmera une de ces 21 espèces sans payer les royalties afférentes - potentiellement alors même qu’aucun texte spécifique n’impose un tel paiement - entrera dans le champ d’application de cette proposition de loi. C’est pourquoi il lui demande d’exclure expressément les semences de ferme du projet de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.
Texte de la réponse, le 03-06-2014
La loi tendant à renforer la lutte contre la contrefaçon a été promulguée au Journal officiel de la République française le 12 mars 2014 (loi n° 2014-315 du 11 mars 2014). Avec l’avis favorable du Gouvernement, l’Assemblée nationale avait adopté un amendement rappelant que la pratique de la semence de ferme telle que définie et encadrée par la loi n° 2011-1843 du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale (COV), ne peut être considérée comme de la contrefaçon. Par ailleurs, concernant la possibilité pour les douanes de réaliser des saisies chez les agriculteurs, un amendement a été adopté par l’Assemblée nationale, avec de même l’accord favorable du Gouvernement, visant à exclure des dispositions sur la retenue (pour atteinte au COV) la pratique de semences de ferme telle qu’autorisée par le code de la propriété intellectuelle. Ces dispositions ont été adoptées « conformes » par le Sénat en deuxième lecture. Elles sont compatibles et articulées avec des ajustements adoptés dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt en cours d’examen au Parlement. Pour rappel, la loi du 8 décembre 2011 conforte le dispositif des COV comme élément essentiel de protection intellectuelle des variétés végétales, permettant de protéger l’innovation dans le secteur de la génétique végétale dans le respect de l’équilibre des droits entre les différents acteurs. Ce dispositif permet en particulier que l’agriculteur qui met en culture une variété protégée puisse utiliser une partie de sa récolte comme semence en vue de la récolte suivante (« semence de ferme »), sans accord préalable de l’obtenteur. Cette possibilité est ouverte pour 21 espèces, conformément au règlement (CE) n° 2100-94. Un projet de décret est en cours d’examen au Conseil d’État pour élargir sur le territoire national, cette liste à d’autres espèces dont le soja. Le texte de la loi renvoie à des accords interprofessionnels le soin d’organiser les modalités de cette pratique, notamment le versement d’une indemnité aux obtenteurs détenteurs du COV afin de prévoir une juste rémunération de leurs travaux de recherche. La production et l’utilisation de semences de ferme sont donc exclues du champ de la contrefaçon. La loi du 8 décembre 2011 n’oblige aucun agriculteur à utiliser une variété protégée par un COV. Pour les variétés non protégées (plusieurs centaines sont inscrites au catalogue national des espèces et variétés de plantes cultivées), ce texte ne modifie en rien le droit des agriculteurs à ressemer leur champ avec une partie de leur récolte.
questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-49066QE.htm
Même question posée par M. Rudy Salles ( Union des démocrates et indépendants - Alpes-Maritimes )
Question publiée au JO le : 18/02/2014 page : 1452