Niveau juridique : Union européenne
Lors de sa réunion du 14 mars 2025, le Coreper, qui réuni les représentant.es permanent.es des Etats membre au Conseil de l’UE, a approuvé le mandat de négociation sur le règlement concernant les végétaux obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques, en se basant sur le dernier texte de compromis proposé par la présidence polonaise lors de la réunion des parties prenantes sur l’agriculture du 21 février 2025 (voir fiche veille). En effet, bien que certaines délégations aient émis des réserves sur le texte, un nombre suffisant de délégations l’ont soutenu pour obtenir une majorité qualifiée.
Texte voté au Coreper
Voici quelques points que l’on peut relever dans le texte voté comme mandat de négociation par le Conseil :
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Deux précisions ont été apportées dans les considérants :
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d’une part, « dans certaines circonstances », les Etats membres peuvent adopter des « mesures appropriées » sur leur territoire pour éviter la présence involontaire de plantes NTG 1 en agriculture biologique, en particulier dans les zones présentant des conditions géographiques spécifiques, comme certaines îles de Méditerranée ou des régions insulaires (considérant 24)
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d’autre part, il est rappelé que la possibilité d’opt-out (ie l’interdiction de la culture) prévue dans la directive 2001/18 relative aux OGM s’applique bien pour les végétaux NTG 2 (cette clause d’opt-out était supprimée pour les végétaux NTG 2 dans la proposition de la Commission) (considérant 37)
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Dans la définition de plante NTG (art. 3 (2)) : plus de référence au fait que la plante a été génétiquement modifiée, mais simplement à la technique de sélection (mutagénèse dirigée et/ou cisgénèse, à condition qu’elle ne contiennent pas de matériel génétique qui n’appartienne pas au pool génétique des obtenteurs)
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Exclusion des variétés rendues tolérantes aux herbicides de la catégorie NTG 1 (art 3 (7)), car le développement et l’utilisation de plantes NGT qui incluent la tolérance aux herbicides parmi les caractéristiques visées par la modification génétique, devraient faire l’objet d’un suivi et ces plantes devraient rester soumises à des exigences en matière d’autorisation, de traçabilité et de surveillance, ce qui est le cas pour les plantes NTG 2 (considérant 14)
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L’habilitation de la Commission à modifier les critères d’équivalence entre les plantes NTG et les plantes conventionnelles est soumise à des conditions : La Commission doit publier un rapport qui justifie que, sur la base de preuves scientifiques, les critères d’équivalence fixés à l’annexe 1 ne reflètent plus ce qui pourrait arriver naturellement ou être obtenu par sélection conventionnelle. Ce rapport doit inclure une analyse actualisée de la littérature scientifique au regard des types et de l’étendue des modifications qui pourraient arriver naturellement ou par sélection conventionnelle. La Commission doit prendre en compte toute avis scientifique pertinent, nouveau ou actualisé, de l’Autorité européenne de sécurité des aliments. (art. 5)
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Lors de la procédure de notification d’un végétal NTG 1, le demandeurdoit soumettre, au mieux de ses connaissance, une déclaration écrite identifiant les brevets revendiquant des modifications du matériel biologique de la plante NTG aboutissant à des caractères particulier, les demandes publiées de délivrance de tels brevets, ou l’absence de tels brevets ou de demandes publiées de tels brevets.
Le requérant peut présenter une déclaration écrite du titulaire des brevets identifiés dans le paragraphe précédent confirmant sa volonté de concéder une licence sur l’objet protégé à des conditions justes, raisonnables et non discriminatoires, qui est applicable sur l’ensemble du territoire de l’UE à des conditions équitables dans les pays de l’UE où le titulaire du brevet est habilité à concéder une telle licence.
Les informations relatives aux brevets et aux licences ne sont pas soumises à vérification et n’ont qu’une valeur déclarative. Ces informations figurent sur la base de données que doit mettre en place la Commission pour recenser l’ensemble des plantes qui ont obtenu le statut de NTG 1. (art. 6 et 7)
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Concernant l’étiquetage et l’information des consommateur.rices : seuls les matériels de reproduction de plantes NTG 1 sont étiquetés en tant que tels (aucun étiquetage sur les produits issus de plantes NTG 1). Cette information doit également figurer sur le Catalogue officiel des variétés, ainsi que sur toute base de données ou documentation commerciale dans laquelle le matériel de reproduction est proposé. (art. 10)
Pour les plantes NTG 2, l’étiquetage des produits issus de plantes NTG 2 peut mentionner le(s) caractère(s) transmis par la modification génétique. Le cas échéant, l’ensemble des caractères transmis par la modification génétique doit être inscrit (il n’est pas possible de mentionner uniquement certains traits). (art. 23)
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Avant l’entrée en vigueur du règlement, la Commission doit publier des lignes directrices afin d’assister les opérateurs, en particulier les sélectionneurs, à naviguer dans le paysage de la propriété intellectuelle sur le végétal. La Commission doit consulter les offices de propriété intellectuelle compétents des Etats membres lors de l’élaboration des lignes directrices. Ces dernières précisent a minima : les plates-formes de licences végétales existantes et leurs membres ; les organisations publiques existantes qui ont pour but d’aider les obtenteurs à répondre aux questions relatives à la propriété intellectuelle ; les bases de données existantes permettant aux opérateurs d’identifier les droits de propriété intellectuelle applicables à une plante donnée ; des informations de base sur les formes et les conditions de protection de la propriété intellectuelle sur les végétaux, y compris des informations sur les licences obligatoires et les exemptions. (art. 29.3)
La Commission doit également publier à l’intention des opérateurs, en particulier des obtenteurs, des informations sur les possibilités de bénéficier des différents projets, mécanismes financiers et politiques destinés à soutenir la recherche et le développement dans le domaine des nouvelles techniques génomiques. (art. 29.4)
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Ungroupe d’experts sur les effets des brevets sur les végétaux NTG composé d’experts de chacun des Etats membre doit être institué à compter de la date d’entrée en vigueur de la réglementation. Il a pour tâche d’étudier les effets du droit des brevets et des pratiques de mise en œuvre sur l’accès aux ressources génétiques modifiées, la transparence du paysage des brevets et l’innovation dans le domaine des plantes des NGT. Il doit en particulier étudier les pratiques en matière de licences de brevets pour la sélection et la commercialisation de plantes NGT protégées par un brevet, les procédures de demande de brevet en cours sur les plantes NGT et les pratiques d’application des brevets à l’égard des agriculteurs.
Un an après l’entrée en vigueur du règlement, la Commission doit publier une étude sur l’impact des brevets sur l’innovation, l’accès aux semences pour les agriculteur.rices et la compétitivité du secteur européen de la sélection végétale. Selon les résultats, la Commission informe sur les mesures de suivi et, si nécessaire, soumet une proposition législative traitant des questions identifiées. Si elle estime qu’aucune mesure n’est nécessaire, elle devra conduire une nouvelle étude entre la 5ème et la 6ème année à compter de l’entrée en vigueur du règlement. (art. 30 bis)
La suite
Ce vote marque le début de la phase de trilogue, pendant laquelle le Parlement, le Conseil et la Commission essayent de trouver un texte acceptable pour toutes les parties, en prenant pour base la position arrêté dans le mandat de négociation.
Si ce vote peut apparaître comme une mauvaise chose dans la lutte contre les nouveaux OGM, on notera toutefois, que, au niveau des délégations, les positions sont très contrastées, et même celleux qui ont apporté leur soutien au mandat, afin que les négociations en trilogue puissent commencer ne sont pas forcément totalement en phase avec le texte proposé. Ainsi, dans sa déclaration au Coreper, la Belgique a bien précisé que ce mandat n’était pas un blanc-seing, et que « Le soutien de la Belgique au mandat de négociations porté par la Présidence Polonaise en vue des trilogues avec le Parlement européen ne préjuge donc pas de la position de la Belgique sur le texte qui résultera de ces négociations. » Elle estime ne pouvoir soutenir un texte que si celui-ci prévoit, en particulier, une interdiction totale des brevets sur les plantes issues de NTG, une traçabilité obligatoire jusqu’au consommateur, une interdiction des NTG dans les produits biologiques avec un système de coexistence explicite intégré au texte ainsi qu’une analyse des risques environnementaux et sanitaires avant toute mise en marché des NTG avec un suivi post-commercialisation.
Lien vers le mandat voté ICI (en anglais)