Niveau juridique : France
Suite notamment à l’arrêt du Conseil d’État du 23 octobre 2024 qui enjoint au Premier ministre « d’adopter un projet de décret modifiant l’article D. 531-2 du code de l’environnement, qui fixe la liste des techniques permettant l’obtention d’organismes génétiquement modifiés qui, en application de l’article L. 531-2 du même code, ne sont pas soumis aux dispositions du titre III du livre V de ce code, afin d’ajouter, au premier alinéa, après les mots « comme donnant lieu à une modification génétique », les mots « ou qui ont fait l’objet d’une utilisation traditionnelle et dont la sécurité pour la santé publique ou l’environnement est avérée depuis longtemps », et au a) du 2°, après le mot « mutagenèse », le mot « aléatoire » », l’ANSES a été saisi par la Direction générale de l’alimentation (DGAL) et la direction générale de la prévention des risques (DGPR) pour se prononcer sur ledit projet de décret.
L’analyse a été réalisé par un comité d’experts spécialisé (CES) « Biotechnologies », sur la base de l’analyse d’un rapporteur. Elle se fonde sur les es arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne du 25 juillet 2018 et du 7 février 2023, sur les décisions du Conseil d’État du 7 février 2020 et du 23 octobre 2024, sur le projet de décret communiqué par la DGAl et la DGPR, uniquement sur les aspects scientifiques, ainsi que sur les éléments complémentaires jugés nécessaires par les experts du CES.
Dans son analyse, le CES « Biotechnologies », tient à faire un propos liminaire reprenant une rhétorique maintenant classique concernant l’évaluation des OGM. Ainsi, il « rappelle que les questions relatives aux risques pour la santé ou l’environnement sont principalement liés au produit obtenu et non uniquement à sa technique d’obtention. » C’est cet argument qui est sans cesse mis en avant par les partisans des nouveaux OGM, pour justifier que les plantes issues de ces techniques ne présentent pas plus de risques que les plantes issues de sélection conventionnelle. En tout état de cause, dans le cadre de cette saisine, le CES est bien forcé de s’attacher à évaluer la technique, car le décret résulte d’une transposition de la directive 2001/18, qui effectue une distinction en fonction de la technique d’obtention et non du produit obtenu.
De l’analyse des arrêts de la CJUE des 25 juillet 2018 et du 7 février 2023, il retient trois principaux points :
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doit être considéré comme un OGM tout organisme obtenu à partir d’une technique de mutagenèse, qu’elle soit aléatoire ou dirigée, réalisée in vivo ou in vitro (arrêt du 25 juillet 2018) ;
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sont exemptés des exigences prévues par la directive n°2001/18/CE les organismes obtenus par mutagenèse aléatoire, que celle-ci soit réalisée in vivo ou in vitro (arrêt du 7 février 2023) ;
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ne sont pas exemptés des exigences prévues par la directive n°2001/18/CE les organismes obtenus par mutagenèse dirigée (arrêt du 25 juillet 2018).
Le décret soumis à l’avis de l’ANSES porte sur la modification de l’art. D. 531-2 de Code de l’environnement, qui énumère les techniques considérées comme des OGM mais exemptées de la réglementation. Deux modifications sont proposées :
(i) l’ajout des termes « ou qui ont fait l’objet d’une utilisation traditionnelle et dont la sécurité pour la santé publique ou l’environnement est avérée depuis longtemps » à la nature des techniques énumérées dans l’article ;
(ii) la précision que les techniques de mutagenèse concernées par cette liste sont uniquement les techniques de mutagenèse aléatoire.
Si sur le fond, le CES estime que le projet de décret est conforme aux arrêts de la CJUE, il estime que les termes « utilisation traditionnelle » et « longtemps » manquent de précision, et peuvent donner lieu à plusieurs interprétations. Aussi, il propose une rédaction alternative, en préférant la tournure « sans qu’un effet négatif notable pour la santé ou l’environnement lié à leur utilisation n’ait été mis en évidence à ce jour ».
Dans cet avis de janvier 2025, l’ANSES endosse les conclusions du CES : « L’Agence considère que la formulation « dont la sécurité pour la santé publique ou l’environnement est avérée depuis longtemps » ne peut, en toute rigueur être démontrée scientifiquement, et recommande de prendre en compte la proposition de reformulation du CES « Biotechnologies ».
Si on ne peut que souligner la volonté, pour le CES et l’ANSES, de ne pas utiliser des termes vagues dont l’interprétation peut être sujette à caution, il ne nous semble pas que la rédaction proposée par l’Agence soit beaucoup plus précise et résolve le problème.
Lien vers l’avis sur le site de l’ANSES ICI