Niveau juridique : Union européenne
Le 7 février 2024, lors de sa séance plénière, le Parlement européen s’est prononcé sur le projet de règlement sur les plantes issues de certaines nouvelles techniques génomiques.
La proposition de rejet complet du texte a été rejetée. Un texte de compromis, qui servira de base aux discussions en trilogue, a été adopté, à 307 votes en faveur, 263 contre et 41 abstentions
Parmi les amendements adoptés ont pourra noter :
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Les différents amendements relatifs à la question des brevets : les eurodéputé.e.s souhaitent interdire le dépôt de brevet « les végétaux NTG, le matériel végétal, les parties de ceux-ci, les informations génétiques et les caractéristiques des procédés qu’ils contiennent » (amendement 33 – article 4 bis) pour éviter de « renforcer la domination des multinationales semencières sur l’accès des agriculteurs aux semences » (amendement 167 – considérant (1) bis).
L’amendement 66 demande à la Commission de présenter un rapport « sur le rôle et l’incidence des brevets sur l’accès des obtenteurs et des agriculteurs à du matériel varié de reproduction des végétaux ainsi que sur l’innovation et, en particulier, sur les possibilités offertes aux PME. », au plus tard en juin 2025, rapport qui pourra, le cas échéant, être accompagné d’une proposition législative pour adapter cadre relatif aux droits de propriété intellectuelle.
Les eurodéputé.e.s ont également voté pour l’ajout d’un article 33 bis, modifiant la directive 98/44/CE relative aux inventions biotechnologies pour exclure les végétaux NGT, leur parties, informations génétiques et procédés du champ de le brevetabilité, ainsi que les priduits végétaux contenant ou consistant en une information génétique s’il est impossible de le distinguer des mêmes produits obtenus par un procédé essentiellement biologique.
Si ces différents points constituent un signal politique intéressant, leur portée reste très limitée, dans la mesure où la majorité des brevets sont délivrés par l’Office européen des brevets, une organisation internationale indépendante de l’UE, et qui se fixe donc ses propres règles.
De plus, en l’absence d’obligation de publication des procédés permettant de distinguer un trait génétique breveté d’un trait natif ou issu de sélection conventionnelle, ces dispositions ne resteront qu’un vœux pieu.
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Les amendements relatifs à la fixation des critères de détermination d’un végétal NTG de catégorie 1 (c’est-à-dire « équivalent à un végétal issu de sélection conventionnelle »)
Plusieurs amendements ont été introduits pour demander la prise en considération de les différentes structures de génome des végétaux (selon qu’ils sont monoploïdes ou polyploïdes. Ainsi « toute limitation du nombre total de modifications individuelles par végétal devrait tenir compte du nombre de chromosomes présents dans le végétal («ploïdie»). » (amendement10 – considérant (14 bis)).
Ces critères pourront être réévalués et mis à jour tous les 4 ans par un acte délégué de la Commission (amendement 68 – article 30 §5 quater).
Une nouvelle rédaction de l’annexe I, qui fixe ces critères a d’ailleurs été adoptée. Elle permettrait d’englober dans le champ des NTG catégorie 1 encore plus de végétaux que dans la version proposée par la Commission (presque 100 % des végétaux NTG seraient concernés).
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L’interdiction pour les végétaux NTG résistants aux herbicides d’être considérés comme des végétaux de catégorie 1 (amendement 18)
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Des amendements (amendement 243 – considérant 47 quater et amendement 264 et 265- article 10 al. 1 et 1bis) instituant un étiquetage des végétaux NTG 1, des produits qui en contiennent et du matériel de reproduction de ces derniers, ainsi qu’une « traçabilité documentée appropriée ». Toutefois en l’absence de toute méthode de détection et d’identification de ces NTG, cette traçabilité pourra-t-elle véritablement être effective ?
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Un amendement concernant l’agriculture biologique.
La proposition d’autoriser les NTG en AB n’a pas été retenue. Seul l’amendement 36, protégeant les cultures/productions biologiques d’un déclassement en raison d’une « présence fortuite ou techniquement inévitable » de NTG 1.
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Deux amendement ouvrant la porte à une future déréglementation d’autres d’autres types d’organismes génétiquement modifiés, tels que les micro-organismes, les champignons voir les animaux ! Avec notamment l’ajout d’un §5ter à l’article 30 « Au plus tard en 2024, la Commission présente au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions un rapport d’évaluation des spécificités et des besoins des autres secteurs qui ne sont pas couverts par le présent règlement, par exemple celui des micro-organismes, ainsi qu’une proposition d’autres actions stratégiques. »
Un peu dans le même esprit, l’amendement 34, ajoute, à l’article 5 un second paragraphe demandant à la Commission de présenter, dans les 7 ans à compter de l’entrée en vigueur du règlement « un rapport sur l’évolution de la perception des consommateurs et des producteurs, accompagné, le cas échéant, d’une proposition législative. », ouvrant donc grand la porte à une déréglementation encore plus grande.
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De nombreux amendements ont été adoptés pour rendre encore plus difficile la participation des autres Etats membres dans le processus de vérification qu’un végétal NTG appartient bien à la catégorie 1. En effet, ils ne peuvent désormais plus que formuler des « objections motivées » qui « comportent une justification scientifique ».
Le texte adopté par le Parlement européen ne contient donc toujours aucune clause de sauvegarde (c’est-à-dire la possibilité pour un Etat membre d’interdire la culture d’un végétal OGM/NTG après son autorisation). Seule a été adopté la possibilité, par l’État membre qui a délivré l’autorisation, de retirer celle-ci si «l es conclusions de la surveillance, il existe un risque pour la santé ou l’environnement ou si de nouvelles données scientifiques appuient cette hypothèse » (amendement 266 – article 11 bis et amendement 268 article 17 §2).
Lien vers le texte adopté ICI