FAO, TIRPAA, Colloque mondial sur les droits des agriculteurs, 12-15 septembre 2023

Niveau juridique : International

Lors de sa 9ème session, l’Organe directeur du TIRPAA avait demandé au Secrétariat d’organiser un colloque mondial pour échanger sur les données d’expériences sur la réalisation des droits des paysan.n.es et pour organiser les futurs travaux possibles sur les droits des paysan.ne.s.

Ce colloque, accueilli par le Gouvernement indien s’est tenu à New Delhi du 12 au 15 septembre 2023. Il a réuni plus de 700 participant.e.s venant de 50 pays, parmi lesquels, des politiques, des agriculteur.rice.s, des membres d’organisation agricoles, des représentant.e.s d’ONG… ainsi que de nombreux.ses fonctionnaires et agriculteur.rice.s indien.ne.s.

Le colloque était structurer en deux partie : une cérémonie d’ouverture et des sessions techniques autour des 5 thèmes suivants :

  • Options pour la réalisation des Droits des paysan.ne.s tels qu’énoncés à l’article 9 du traité

  • Mesures juridiques et autres dispositions en faveur de la concrétisation des droits des agriculteurs; - Processus internationaux et autres questions intéressant les droits des agriculteurs;

  • Avancement de l’application de l’article 9 du Traité international;

  • Travaux futurs sur les droits des agriculteurs

Outre ces séances thématiques, des manifestations ont également eu lieu comme un forum des agriculteur.rice.s, une exposition présentant la diversité des cultures en Inde, ou encore des discussions sur la coopération Sud-Sud en matière de droits des paysan.e.s.

Dans son discours d’ouverture, Mr Manoj Ahuja secrétaire du ministère de l’agriculture et du bien-être des agriculteurs, a fait remarquer que chaque agriculteur était un scientifique à part entière et qu’il fallait le reconnaître. Il a cité la reconnaissance et la protection des droits des agriculteurs comme un élément essentiel du traité international et s’est dit fier que l’Inde joue un rôle de premier plan dans la promotion des droits des agriculteurs dans le cadre de la loi de 2001 sur la protection des variétés végétales et des droits des agriculteurs. Dans la même lancée, la président de l’Inde Drouapi Murmu a souligné que «… ce sont les agriculteurs qui, depuis le début de la civilisation, sont les véritables ingénieurs et scientifiques. Ils ont su exploiter les énergies et les richesses de la nature pour le bénéfice de l’humanité.».

Une conférence plénière a été menée par Mr. Trilochan Mohapatra sur le thème « Protéger les variétés végétales et les droits des agriculteurs pour un système de semences sécurisé : une perspective indienne ». Il y a décrit comment l’Inde était passée d’une situation de déficit alimentaire dans les années 50 à une situation d’excédent alimentaire. M. Mohapatra a attribué le succès de l’Inde à de multiples facteurs, notamment la riche biodiversité du pays et les vastes ressources génétiques conservées dans les banques de gènes et dans les champs des agriculteurs, ainsi que le soutien au système des semences et les mesures prises par le gouvernement. Il a notamment souligné la contribution de la loi de 2001 sur la protection des variétés végétales et des droits des agriculteurs (Protection of Plant Varieties & Farmers’ Rights Act). En effet, la loi précise les droits de l’agriculteur en tant qu’obtenteur, établit un fonds génétique national et met en place des systèmes de reconnaissance des agriculteurs en tant que sauveurs du génome. M. Mohapatra a illustré les réalisations de la loi sur la protection des variétés végétales en soulignant le nombre élevé de variétés d’agriculteurs enregistrées, qui représentent près de 40 % de l’ensemble des enregistrements, et en donnant plusieurs exemples de systèmes de semences reconnus et gérés par les communautés ou les agriculteurs.

Il a ainsi souligné l’importance des champs des agriculteurs, de la préservation des ressources phytogénétiques, y compris des espèces sauvages apparentées, et les variétés locales conservées par les agriculteurs, et la nécessité de renforcer les systèmes de semences des agriculteurs.

Sessions thématiques

Session 1 : Options pour la réalisation des Droits des paysan.ne.s tels qu’énoncés à l’article 9 du traité

Le but de cet atelier était notamment de présenter les mises à jour sur le travail du Traité international sur les droits des agriculteurs, d’informer sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre des droits des agriculteurs, de partager les expériences et les meilleures pratiques, et de promouvoir l’apprentissage parmi les participants.

Mme Svanhild-Isabelle Batta Torheim, au nom des coprésidents du Groupe spécial d’experts techniques sur les droits des agriculteurs (AHTEG-FR ou Groupe d’experts), a notamment présenté une vue d’ensemble de l’élaboration de l’inventaire des mesures nationales et des 32 options visant à encourager, guider et promouvoir la réalisation des droits des agriculteurs, conformément à l’article 9 du Traité international.

S’en est suivi un partage d’expériences de bonnes pratiques, avec des présentations de Mr Gyanendra Prataph Singh (Inde), Mr Pitambar Shrestha (Nepal), Mr Khaled Abulaila (Jordanie), Mr Graybill Munkombwe (Zambie), Mr Riccardo Bocci (Italie), and Ms Szonja Csörgő (International Seed Federation).

Ces présentations ont été suivies d’une discussion avec la salle, au cours de laquelle les participant-e-s ont appelé à une plus grande participation et à l’inclusion des agriculteurs dans les événements, rassemblements, conférences et autres rassemblements, en particulier lorsqu’il est question des droits des paysan.ne.s. D’autres recommandations ont été formulées, comme :

  • Mettre en place un mécanisme pour soutenir directement les communautés agricoles et les organisations d’agriculteurs en tant que bénéficiaires d’activités de renforcement des capacités - techniques et financières - et d’autres types de soutien.

  • Soutenir les systèmes de semences gérés par les agriculteurs et renforcer la capacité des agriculteurs/paysans à produire, stocker, utiliser et vendre leurs semences.

  • Promouvoir les pratiques relatives aux droits des agriculteurs telles qu’elles figurent dans l’inventaire, en particulier les mesures mises en œuvre par les organisations d’agriculteurs/paysans, les organisations non gouvernementales et les organisations de la société civile, et chercher des moyens de pérenniser ces pratiques par une coordination avec les gouvernements.

  • Mettre en place un mécanisme international de suivi et de mise en œuvre des droits des agriculteurs, en plus des rapports réguliers des parties contractantes dans le cadre du mécanisme de conformité du traité international.

  • Identifier les besoins et les exigences des agriculteurs pour réaliser leurs droits aux semences/systèmes de semences de ferme : identifier les niveaux, les formes, le degré et les mécanismes de soutien dont les agriculteurs ont besoin, par pays et par région.

  • Développer des mécanismes et identifier les besoins pour soutenir, reconnaître et institutionnaliser les systèmes de semences gérés par les agriculteurs (systèmes de semences paysannes).

  • Développer des mécanismes pour soutenir la capacité des agriculteurs à produire leurs propres semences, à les conserver, à les vendre, à les partager et à les échanger.

  • Soutenir les marchés de semences des agriculteurs pour la conservation de la biodiversité et d’autres considérations sociales.

Session 2 : Mesures juridiques et autres dispositions en faveur de la concrétisation des droits des agriculteurs;

Cette session a examiné les mesures adoptées au niveau national pour soutenir la réalisation des droits des agriculteurs. Elle a débuté par une présentation détaillée de Malathi Lakshmikumaran sur le système des droits des agriculteurs en Inde, intitulée « Legal Measures Supporting Farmers Rights :Défis et opportunités ». Cette présentation a été suivie d’une table ronde consacrée aux exemples et aux expériences du Brésil, de l’Équateur, de l’Inde, du Malawi, du Mali et de la Norvège en matière de droits des agriculteurs. Les six panélistes étaient M. Marciano Toledo da Silva (Mouvement des petits agriculteurs, Brésil), M. Hugo Carrera (Organisation des petits agriculteurs, Équateur), M. Dinesh Agarwal (Autorité de protection des variétés végétales et des droits des agriculteurs, Inde), Mme Modester Kachapila (Centre des ressources génétiques végétales, Malawi), Mme Alimata Traore (Convergence des femmes rurales pour la souveraineté alimentaire, Mali) et Mme Elin Cecilie Ranum (Fonds de développement, Norvège).

Une session de question-réponse a ensuite eu lieu.

Lors de leurs présentations, les panélistes ont souligné l’importance d’examiner les implications des droits de propriété intellectuelle (DPI), tels que les droits d’obtenteur et les brevets, sur les droits des agriculteurs, ainsi que les intersections entre les DPI et les droits des agriculteurs. Certains panélistes ont affirmé que l’article 27.3 (b) de l’accord de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) était l’une des principales raisons de l’introduction des DPI pour les variétés végétales dans leur pays d’origine.L’article 27.3 (b) de l’accord sur les ADPIC oblige tous les membres de l’OMC à protéger les variétés végétales soit par des brevets, soit par un système sui generis (c’est-à-dire unique ou spécial) efficace, soit par une combinaison des deux. Un système de droits des agriculteurs peut être incorporé dans un système sui generis, dans d’autres instruments ou en tant qu’instrument juridique autonome.

Certains panélistes ont affirmé que les DPI sur les variétés végétales étaient préjudiciables aux droits des agriculteurs. En conséquence, ils rejettent expressément les DPI sur les variétés végétales. En particulier, certains panélistes ont affirmé que le système de droits d’obtenteur défini dans l’Acte de 1991 de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) limite les pratiques des agriculteurs et la réalisation des droits des agriculteurs.Ces panélistes ont souligné que l’Acte de 1991 de l’UPOV ne tient pas compte des systèmes de semences et des variétés des agriculteurs. Par exemple, les systèmes de droits d’obtenteurs de l’UPOV pourraient restreindre les droits des agriculteurs de conserver, d’utiliser, de réutiliser, de sélectionner, d’échanger et de vendre des semences de ferme. Les panélistes ont également attiré l’attention sur l’importance de protéger les systèmes de semences gérés par les agriculteurs contre les technologies nouvelles et émergentes, y compris les informations numériques sur les ressources phytogénétiques. À cet égard, ils ont souligné la nécessité de lier les droits des agriculteurs à la Convention sur la diversité biologique (CDB) et à son protocole de Nagoya.

Au-delà des accords ADPIC, en attirant l’attention sur l’importance de l’agriculture dans leurs pays et régions d’origine, certains panélistes ont mentionné des raisons sociales, économiques, politiques et environnementales justifiant la protection et la promotion des systèmes de droits des agriculteurs.

Par exemple, les panélistes ont souligné la nécessité de protéger les systèmes de semences gérés par les agriculteurs, qui sont principalement basés sur des pratiques agricoles agroécologiques. Ces pratiques agricoles agroécologiques permettent d’atténuer et de traiter les effets du changement climatique, tels que l’utilisation excessive d’intrants chimiques comme les pesticides.

En outre, certains panélistes ont souligné l’importance d’analyser les liens entre les droits des agriculteurs, la sécurité alimentaire, la souveraineté alimentaire et les objectifs de développement durable (ODD) tels que l’ODD 2 : Faim zéro. Certains panélistes ont souligné l’importance de conceptualiser les droits des agriculteurs comme des droits de l’homme. Ils ont expliqué qu’en tant que droits de l’homme, les droits des agriculteurs l’emportaient sur les DPI et les lois commerciales.

Enfin, certains panélistes ont affirmé que « les agriculteurs sont des scientifiques ». En conséquence, ils ont mis en garde contre la marginalisation des systèmes de semences des agriculteurs, notamment en les qualifiant de « systèmes informels ». Ils ont affirmé qu’il convenait de désigner ces systèmes par les termes « systèmes de semences gérés par les agriculteurs » et « systèmes de semences paysannes ». À cet égard, les panélistes ont souligné la nécessité de reconnaître et de célébrer la diversité des systèmes de semences.

Des discussions entre panélistes et participant.e.s ont émergé certains facteurs facilitant la réalisation des droits des paysan.ne.s comme :

  • Tenir compte des aspects cruciaux liés au genre dans la mise en œuvre des droits des agriculteurs : travailler avec les femmes pour promouvoir les droits des agriculteurs.

  • Tenir compte du rôle des coopératives dans la création de banques de semences communautaires et dans la promotion des droits des agriculteurs.

  • Créer et développer des banques de semences communautaires et des banques de gènes.

  • Établir et maintenir le dialogue avec les agriculteurs.Il est urgent que les agriculteurs soient stratégiquement impliqués dans la prise de décision.

  • Reconnaître, développer et promouvoir les systèmes de semences gérés par les agriculteurs, les races locales et les variétés locales/agricoles afin d’améliorer le système de semences local.

  • Ne pas appliquer les mesures régissant le système semencier industriel et commercial aux systèmes semenciers paysans, en particulier celles relatives à la commercialisation, à la qualité sanitaire et aux DPI. Les États doivent reconnaître que les systèmes semenciers paysans ont leurs propres règles spécifiques garantissant la qualité des semences paysannes, notamment en termes d’agronomie, de nutrition et de santé, et l’importance d’assurer la protection des savoirs paysans, à travers une initiative volontaire telle qu’un code de conduite et/ou un système de garantie participatif.

  • Mettre en place d’autres mesures juridiques visant à promouvoir la réalisation des droits des agriculteurs et notamment

    • la conservation et la promotion des semences paysannes indigènes, y compris leur protection contre les modifications génétiques ;

    • la promotion de systèmes résilients, tels que l’agroécologie ;

    • la passation de marchés publics pour les semences produites par les systèmes de semences paysannes ; et

    • la participation des agriculteurs à l’élaboration des politiques publiques en matière de semences. Cela devrait également concerner l’UNDROP et l’UNDRIP.

  • Reconnaître les droits collectifs des paysans sur les semences.

  • L’enregistrement des semences paysannes dans le cadre du système d’enregistrement officiel n’est pas la réponse aux préoccupations concernant la reconnaissance, la promotion et la protection des systèmes semenciers paysans. Les paysans ont besoin que leurs propres systèmes semenciers soient reconnus juridiquement et soutenus concrètement, en respectant les critères de qualité propres aux paysans, c’est-à-dire les qualités agronomiques, sanitaires et germinatives qui leur permettent de continuer à cultiver, distribuer et vendre leurs semences issues de variétés populations diversifiées - ce qui fait la force des systèmes agroécologiques.

  • Créer un groupe de travail pour faire respecter le caractère juridiquement contraignant de l’article 9 du Traité international.

Session 3 : Processus internationaux et autres questions intéressant les droits des agriculteurs;

Facilitée par M. Riccardo Bocci (Rete Semi Rurali), cette session s’appuyait sur les contributions de trois présentateurs, suivies d’une discussion avec possibilité de participation du public. Une discussion en panel a suivi, chacun des six panélistes étant invité à répondre aux questions suivantes : (1) les perspectives sur DSI et les droits des agriculteurs ; (2) les perspectives sur les droits de l’homme et les droits des agriculteurs ; et (3) des suggestions concrètes pour aller de l’avant.

La première intervenante, Mme Thirimadura Anuka Vimukthi De Silva (Movement for Land and Agricultural Reform, Sri Lanka, membre de La Via Campesina, s’exprimant au nom de l’IPC), a parlé des droits des agriculteurs et des instruments et cadres internationaux relatifs aux droits de l’homme. Elle a parlé des droits des agriculteurs et des instruments et cadres internationaux relatifs aux droits de l’homme. Elle a été suivie par Mme Rachel Wynberg, de l’Université du Cap, qui a décrit les implications des DSI pour les droits des agriculteurs.

Viswajanani Sattigeri, du CSIR-Traditional Knowledge Digital Library Unit, a présenté la bibliothèque numérique des connaissances traditionnelles de l’Inde. la bibliothèque numérique des connaissances traditionnelles de l’Inde.

Les six panélistes étaient Mme Normita Ignacio (SEARICE, Philippines), Mme Georgina M. Catagora-Vargas (Université catholique de Bolivie), Mme Szonja Csörgő (Euroseeds), Mme Teresa Aguero Teare (Ministère de l’agriculture, Chili), M. Sokolov (Ministère de l’économie, de l’industrie et de l’agriculture). Agriculture, Chili), M. Sok Sotha (Organisation mondiale des agriculteurs, Cambodge), et M. Achelander Reddy (Autorité nationale de la biodiversité, Inde).

Droits des paysan.ne.s et droits humains

Un large consensus s’est dégagé sur le fait que les droits des paysan.ne.s font partie intégrante des droits humains. Beaucoup ont noté la complémentarité entre le Traité et nombres d’autres accords des Nations Unies (UNDROP, UNDRIP, CBD…) et le besoin de travailler avec les organismes compétents impliqués dans l’administration et la mise en œuvre de ces différents accords.

Autres instruments affectant les droits des paysan.ne.s

Plusieurs participants ont souligné qu’il fallait également prêter attention aux accords internationaux tels que l’UPOV 1991 qui sont perçus comme portant atteinte aux droits des agriculteurs. Les possibilités de développer un système sui generis de protection des variétés végétales (PVV) ont été exprimées par de nombreux participants, notant le travail de l’Association pour la sélection végétale au service de la société (APREBES) à cet égard. À l’inverse, l’UPOV 1991 est considérée comme la meilleure forme de protection des obtentions végétales et permet une interprétation souple. Certains participants ont souligné la nécessité pour la PVV d’inciter les obtenteurs et de garantir un retour sur le temps et les efforts investis dans le développement de variétés végétales pour les agriculteurs. Une remarque a été faite sur le fait que, bien qu’il y ait un accord sur la nécessité de mesures incitatives, les sélectionneurs obtiennent généralement du matériel avec peu de restrictions.

Des avis ont été exprimés sur la nécessité d’adapter les lois nationales sur les semences et la commercialisation afin de garantir qu’elles soutiennent les droits des agriculteurs. D’autres ont souligné la nécessité de collaborer avec les organisations internationales et les parties contractantes afin de maintenir des cadres efficaces pour les obtenteurs et de mettre en œuvre efficacement l’article 9. Le rôle du gouvernement dans l’« égalisation des règles du jeu » a été souligné.

Droits des paysan.ne.s et informations numériques sur les séquences/données génétiques (DSI/GSD)

L’intersection entre les droits des agriculteurs et les DSI a fait l’objet d’un débat approfondi, l’opinion commune étant que les DSI ne devraient pas mettre en péril les droits des agriculteurs

Certains ont estimé que la « dématérialisation » des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture offrait la possibilité de tracer une voie alternative et visionnaire pour les droits des agriculteurs et des autres gardiens. Il s’agirait de ne plus considérer l’agrobiodiversité comme une marchandise privatisée que l’on peut posséder, mais d’adopter une approche de « gestion » qui reconnaît les RPGAA comme un bien public, qui devrait être régi en tant que tel.

Une analyse a été faite sur les différentes façons dont les DSI recoupent les droits des agriculteurs en ce qui concerne la protection des connaissances traditionnelles, le partage des bénéfices, la participation à la prise de décision et les droits que les agriculteurs ont de conserver, d’utiliser, d’échanger et de vendre les semences conservées à la ferme. Plusieurs participants ont exprimé leur inquiétude quant à la nécessité d’accroître la transparence, la responsabilité et la traçabilité des DSI, et de mettre en place des mécanismes permettant d’obtenir des informations sur les personnes qui accèdent aux données et sur la manière dont elles sont utilisées. Les principales préoccupations concernaient la nécessité d’éviter l’appropriation illicite des connaissances et des variétés des agriculteurs et de garantir le partage des avantages.

Plusieurs participants ont souligné la nécessité d’inclure les agriculteurs et les autres gardiens des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture dans la gouvernance des DSI et dans les approches de partage des avantages qui y sont associées, et d’établir des critères de base afin que la gouvernance des DSI ne compromette pas les droits des agriculteurs et des pays fournisseurs.

Il a été noté que l’utilisation exponentielle des DSI dans la sélection végétale pourrait accroître les droits de propriété intellectuelle sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, ce qui pourrait restreindre l’espace juridique dont disposent les agriculteurs pour conserver, utiliser, échanger et vendre des semences de ferme de variétés protégées. De nombreux participants ont estimé que les DPI liés aux DSI devraient être interdits, y compris toute modification génétique, et que toute DSI sur les ressources phytogénétiques devrait être soumise aux obligations découlant de la CDB et du traité international.

La possibilité de paiements initiaux pour l’utilisation des DSI par le biais d’un éventuel système d’abonnement dans le cadre du traité international a été évoquée. La possibilité d’un système multilatéral mondial de partage des avantages qui inclurait les DSI et qui refléterait les besoins et les priorités des agriculteurs a également été suggérée comme moyen d’aller de l’avant. Il a été noté que des processus politiques sont en cours pour examiner les DSI/GSD dans le cadre du système multilatéral et de la CDB, y compris les questions de définition, et qu’il est préférable d’utiliser ces processus pour faire avancer la discussion.

Approches visant à prévenir la biopiraterie et à protéger les connaissances traditionnelles

Des expériences ont été partagées concernant la création de la bibliothèque de données sur les connaissances traditionnelles indiennes (TKDL), qui vise à prévenir l’appropriation illicite et la biopiraterie des ressources génétiques, ainsi qu’à protéger les connaissances traditionnelles. À ce jour, 16 offices des brevets utilisent la TKDL indienne pour vérifier la nouveauté, et 323 brevets ont été retirés ou révoqués sur la base de l’utilisation de la base de données.

Les questions éthiques constituent un élément important de la base de données, notamment le consentement préalable, libre et éclairé, la reconnaissance des détenteurs de savoirs traditionnels, l’accès et le partage des avantages. Un autre outil développé par l’Autorité nationale de la biodiversité est le Registre populaire de la biodiversité, qui comprend des enregistrements des ressources génétiques et des connaissances traditionnelles associées. Les participants ont discuté du potentiel des indications géographiques (IG) en tant qu’outil de protection des droits de propriété intellectuelle, bien qu’un agriculteur ait souligné le coût et les difficultés de cette approche.

Session 4 : Mise en œuvre des droits des agriculteurs et perspectives d’avenir

Dans sa présentation introductive, Mme Regine Andersen, directrice de recherche et professeur de recherche à l’Institut Fridtjof Nansen (FNI), en Norvège a présenté les perspectives historiques des droits des agriculteurs dans le cadre du traité international. Bien que juridiquement non-contraignantes, les dispositions sur les droits des agriculteurs dans le traité offrent une plate-forme de négociation sur la manière de mettre en œuvre les droits des agriculteurs, avec la possibilité de façonner des normes internationales.

Parmi les recommandations formulée dans la discussion qui a suivi on peut noter :

  • Mener des travaux pendant les intersessions pour élaborer des lignes directrices et promouvoir l’inventaire, et notamment :

    • établir un groupe de travail ayant pour mandat de développer des lignes directrices volontaires sur la mise en œuvre des droits des agriculteurs au niveau national.

    • s’assurer d’une meilleure représentation des agriculteurs, des organisations d’agriculteurs et la société civile dans les groupes de travail sur les droits des paysan.ne.s.

  • Promouvoir la coopération régionale et Sud-Sud

  • Promouvoir la mise en œuvre nationale et notamment

    • suivre la mise en œuvre des droits des agriculteurs au niveau national (Cela devrait être inclus dans les rapports réguliers des parties contractantes sur la mise en œuvre du traité international.). Les organisations d’agriculteurs devraient être impliquées dans la conception des critères et de la méthodologie d’évaluation de l’état de la mise en œuvre, ont-ils suggéré, et il serait important d’éviter les mesures qui vont à l’encontre de la protection, de la promotion et de la réalisation des droits des agriculteurs.

    • analyser les obstacles à la mise en œuvre des droits des agriculteurs et les moyens de rendre cette mise en œuvre durable à long terme.

    • soutenir les banques de semences communautaires et mettre en place des cadres juridiques favorables à cette fin

  • Renforcer les activités de sensibilisation et de renforcement des capacités, en s’adressant en particulier aux jeunes

  • Prendre des mesures pour protéger les droits des agriculteurs contre les droits de propriété intellectuelle. Sur cette question, les avis divergent sur la manière d’aborder cet objectif. Si certains ont suggérer de s’inspirer de la loi indienne sur la protection des variétés, d’autres estiment que les pays en voie de développement devraient s’abstenir d’utiliser le droit de la propriété intellectuelle pour mettre en œuvre les droits des agriculteurs.

  • Renforcer les mécanismes de partage des bénéfices et notamment, de renforcer les possibilités pour les organisations paysannes de recevoir des avantages du Fonds de partage des avantages, car cela a été jusqu’à présent l’exception plutôt que la règle. Ce dernier devrait veiller à ce que les avantages parviennent effectivement aux agriculteurs, afin qu’ils puissent avoir accès aux ressources dont ils ont besoin.

Plusieurs participants ont suggéré que des solutions doivent être trouvées pour le partage des bénéfices en ce qui concerne les DSI, et qu’il serait important de poursuivre les discussions sur l’impact des DSI sur les droits des agriculteurs.

  • Renforcer la collaboration internationale

Session 5 : Proposition de travaux futurs sur les droits des agriculteurs

L’objectif de cette dernière session était de rappeler les éléments identifiés tout au long du symposium pour les travaux futurs sur les droits des agriculteurs et de permettre à un panel de cinq experts, ainsi qu’au public en général, de discuter et de suggérer d’autres idées.

Les différents rapporteurs ont présenté un bref résumé de leurs sessions respectives, en se focalisant sur les travaux futurs possibles.

Résumé des contributions et des recommandations :

De nombreux intervenants ont souligné l’importance d’assurer la pleine participation des agriculteurs, en particulier des femmes et des jeunes, aux débats et aux réunions sur les droits des agriculteurs, ainsi qu’aux efforts visant à leur mise en œuvre effective. Il est important de veiller à ce que les agriculteurs et les communautés paysannes aient la possibilité de jouer un rôle clé dans ces processus. De l’avis de nombreux participants, ce symposium mondial a mis en évidence les expériences utiles et les enseignements tirés, ainsi que les défis à relever pour la réalisation des droits des agriculteurs.

  • Les banques de semences communautaires ont été identifiées comme un élément important de la réalisation des droits des agriculteurs, et des appels ont été lancés pour que davantage de ressources financières et de soutien soient fournis, y compris pour établir des réseaux entre les banques de semences communautaires, et des possibilités d’apprendre les uns des autres.

  • Il convient d’adopter une vision globale des systèmes de semences gérés par les agriculteurs et d’élaborer des politiques visant à les soutenir, en mettant l’accent sur l’aide aux agriculteurs, afin qu’ils puissent poursuivre leur travail indispensable sur le terrain. On ne saurait trop insister sur le rôle et l’importance des variétés paysannes.

  • Les agriculteurs devraient également bénéficier d’avantages, y compris monétaires, en contrepartie de leur travail de conservation et de mise à disposition des cultures pour le bénéfice de tous.

De nombreux participants ont appelé à d’autres consultations et ateliers régionaux, ainsi qu’au renforcement de la collaboration et de la coopération Sud-Sud pour la mise en œuvre des droits des agriculteurs.

  • La collaboration avec les organes et instruments pertinents en matière de droits de l’homme a été identifiée comme un autre domaine de travail futur.

  • Étant donné que les implications et les impacts possibles des informations sur les séquences numériques et des données sur les ressources génétiques pour les droits des agriculteurs ne sont pas encore totalement compris, certains participants ont inscrit la poursuite de la recherche sur ce sujet sur la liste des tâches futures possibles.

  • Enfin, plusieurs participants ont appelé à une discussion lors de la dixième session de l’organe directeur sur un éventuel processus intersessions visant à élaborer des lignes directrices volontaires pour la réalisation des droits des agriculteurs.

Lien vers le rapport (en anglais) ICI

Lien vers les différents documents du colloque ICI