UPOV, Session du printemps 2023

Niveau juridique : International

Une intersession extraordinaire s’est tenue en mars 2023 au sein de l’UPOV, avec notamment pour objet l’élection du nouveau vice-président. Cela a été l’occasion de réunir certains groupes de travail, et d’organiser un symposium sur les Nouvelles technologies de sélection et les variétés essentiellement dérivées.

NOTA : Cette fiche veille s’appuie sur le rapport de l’APBREBES, organisation observatrice au sein de l’UPOV.

3ème réunion du groupe de travail sur le produit de la récolte et l’usage non autorisé du matériel de reproduction, 21 mars 2023

Pour rappel, ce groupe de travail a été institué notamment suite à « l’affaire Nadorcott », dans laquelle la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) a posé des limites à l’application des droits de l’obtenteur (voir fiche veille n°3820). Certains essayent d’invalider cette décision en prônant une révision des notes explicatives.

Le groupe de travail s’est donc penché sur le document de « Propositions concernant les notes explicatives sur le matériel de multiplication sous la convention UPOV ». Ces notes explicatives décrivent les critères qui permettent de décider si un matériel végétal est un matériel de multiplication/reproduction.

La souhait de l’industrie est d’étendre la définition de matériel de multiplication à l’ensemble du matériel végétal, notamment car la décision Nadorcott a rendu plus difficile l’application des droits sur le matériel récolté. Les industriels souhaitent donc supprimer cette liste de critères et imposer des lignes directrices plus strictes.

Si la liste a finalement été conservée, des changements ont été effectués. Ainsi, a été introduit un nouveau critère, demandant si le matériel pouvait être utilisé comme matériel de reproduction/multiplication par l’utilisation de techniques de multiplication (bouture, culture de tissus…).

Finalement, un consensus a été atteint sur le fait que ces changements et proposition seraient envoyés au Comité administratif et légal (CAJ) pour adoption en octobre.

La discussion sur les « Perspectives sur « l’utilisation non autorisée » selon l’article 14(2) de l’acte de 1992 de la Convention UPOV » a été beaucoup moins consensuelle.

En effet, certains acteurs, comme le Japon, souhaitent élargir la définition actuelle, et ajouter « la plantation et la culture en cours » aux actes nécessitant une autorisation. L’industrie semencière souhaiterai supprimer la mention limitant l’utilisation non autorisée aux pays dans lesquels la variété est protégée. Ils essayaient ainsi de résoudre le problème de l’importation non contrôlée de matériel d’un pays où la variété n’est pas protégée vers un pays où elle l’est. Toutefois, de nombreux Etats parties ont clairement énoncé que certaines de ces demandes allaient au-delà du cadre la Convention UPOV, et exigeraient un amendement de celle-ci. L’UE a quand a elle estimé que les propositions présentées entraient en contradiction avec l’interprétation de la CJUE de la Convention (comme dans l’affaire Nadorcott).

Le groupe de travail a donc décidé de commander une étude (dont le mandat exact et l’auteur sont encore à clarifier).

La prochaine réunion du groupe de travail aura lieu en octobre.

Définition actuelle de « l’utilisation non autorisée » dans les notes explicatives : «  On entend par “utilisation non autorisée” les actes à l’égard du matériel de reproduction ou de multiplication qui requièrent l’autorisation du titulaire du droit d’obtenteur sur le territoire concerné (article 14.1) de l’Acte de 1991), mais qui ont été accomplis sans qu’une telle autorisation ait été obtenue. Par conséquent, les actes non autorisés ne peuvent se produire que sur le territoire du membre de l’Union sur lequel un droit d’obtenteur a été octroyé et est en vigueur. » (voir ICI)

Documents de la réunion ICI

Séminaire sur l’interaction entre la protection des variétés végétales et l’utilisation des technologies de sélection, 22 mars 2023

Pour rappel, la tenue de ce séminaire avait été décidé en raison de l’impasse dans laquelle étaient les négociations concernant la note explicative sur le sujet.

La question fondamentale est de savoir si les variétés végétales produites par les nouvelles technologies de sélection doivent toujours être considérées comme des variétés essentiellement dérivées (VED).

Au regard des standards de l’UPOV, ce séminaire étaient d’une pluralité rafraîchissante. En effet, lors du dernier séminaire sur le VED organisé en 2019, tous les intervenants soutenaient la demande de l’industrie d’adapter les notes explicatives sur les VED.

En mars 2023, le ton était différent, au moins en partie. Plusieurs présentations ont salué les grands avantages des nouvelles technologies de sélection pour l’innovation en sélection végétale (sans mentionner les risques éventuels en aucune manière). De nombreux intervenants ont souligné l’importance de l’exception du sélectionneur au sein de l’UPOV.

La question clé reste de savoir si les utilisateurs des nouvelles techniques de sélection doivent également bénéficier de cette exemption : en effet, si les variétés issus de ces NBT sont considérées comme des VED, les obtenteurs ne peuvent bénéficier de cette fameuse exemption, et ont besoin d’une licence du sélectionneur de la variété originale pour commercialiser leurs produits. Les opinions exprimées sur le sujet étaient variées. Les associations professionnelles ont exprimé leur inquiétude quand au fait que les NBT puissent rapidement et facilement améliorer des variétés obtenues elles, après un long processus et s’emparer du marché sans indemniser l’obtenteur de la variété d’origine. Pour d’autres, la seule chose qui importe, c’est dans quelle mesure la nouvelle variété diffère de la variété d’origine et quelle est sa valeur ajouté, quelque soit la technique de sélection. L’absence d’exemption du sélectionneur limiterai une innovation pourtant si nécessaire. Plusieurs intervenants ont estimé qu’une intégration optimale des NBT dans le système UPOV ne serait possible que par une modification de la Convention UPOV - et l’adaptation des notes explicatives n’était pas le moyen approprié pour cela.

Bon nombre des positions présentées n’avaient jusqu’à présent pas encore été discutées dans les négociations du groupe de travail sur les VED. Il appartient désormais aux États membres d’en tirer les conclusions.

L’ensemble des présentations est à retrouver ICI

Session extraordinaire du Conseil, 23 mars 2023

Le Conseil a suggéré que chacun des trois candidats obtiennent un nouveau poste et a décidé :

  • de nommer Ms Yolanda HUERTA CASADO (Espagne) comme nouvelle vice-secrétaire générale de l’UPOV

  • de promouvoir Mr Leontino REZENDE TAVEIRA (Brésil) au poste nouvellement créé de Directeur du développement mondial et aux affaires techniques au niveau D1

  • de nommer Mr Martin Ake EKVAD (Suède) directeur des affaires légales au niveau D1 (poste rendu vacant en raison de la nomination de Ms Huerta Casado comme vice-secrétaire générale).

Documents de la réunion ICI

3ème réunion du Groupe de travail sur les orientations concernant les petits exploitants agricoles en matière d’utilisation privée et non commerciale

La teneur de cette réunion a suivi celle des précédentes. Le Japon et une partie de l’industrie ont clairement exprimé le fait qu’ils ne voulaient aucun changement dans les notes explicatives et souhaitaient clore la discussion.

D’un autre côté, l’Union européenne, a déclaré que la discussion devait se poursuivre, car il s’agit d’une question importante qui affecte également la réputation de l’UPOV et qu’il est nécessaire que l’POV fasse un geste sur cette question. Elle s’est dit prête à travailler sur les notes explicatives et la FAQ, et a été rejoint en ce sens pas la Norvège, les Pays-Bas et la Suisse.

Une position intermédiaire a été adoptée par le Canada, qui ne souhaite soutenir que le travaux sur la FAQ. L’Argentine a souligné que ce n’était pas le bon moment pour travailler sur les notes explicatives. L’Afrique du Sud, confrontée à la question au niveau national, a souligné son importance et a indiqué qu’elle souhaitait réviser les notes explicatives.

Bien que lors de la réunion un certain consensus a émergé pour travailler sur la FAQ, des points de vue différents ont été exprimés sur la manière dont ce travail devrait être effectué. La Suisse et la Norvège ont mentionné le mandat du groupe de travail, qui se concentre clairement sur la question de l’utilisation privée et non commerciale. Le Canada, quant à lui, a suggéré de ne pas négliger les avantages que les petits exploitants agricoles tirent du système de propriété intellectuelle.

Finalement, il a été décidé que le groupe de travail accepte de commencer à explorer la possibilité de modifier les FAQ relatives à l’utilisation privée et non commerciale et/ou aux petits exploitants agricoles. Pour ce faire, une notification sera envoyée aux membres du groupe de travail les invitant à examiner les FAQ actuelles, examiner les questions soulevées et expliquer si ces questions nécessitent une révision des FAQ. En parallèle, le Comité consultatif pourrait discuter (CC) de la nécessité de modifier les termes de référence du groupe de travail afin de couvrir toutes les questions fréquemment posées relatives aux petits exploitants agricoles.

La prochaine réunion du GT aura lieu le 25 octobre à 18 heures avant le Comité consultatif, en format hybride.

Documents de la réunion ICI

Les discussions lors de cette session ont fait apparaître plus que jamais des divergences d’opinions entre les membres, et donc l’impasse dans laquelle est l’UPOV dans ses efforts d’adaptation aux nouvelles réalités. L’environnement à la fois juridique et technologique a changé, avec notamment la reconnaissance des droits des paysans sur leurs semences consacrés par le TIRPAA puis par l’UNDROP, et l’apparition des nouveaux OGM (les fameuses NBT).

L’UPOV parviendra-t-elle à trouver des solutions dans le cadre de l’acte actuel de la Convention, ou faut-il aller vers une modification de l’Acte de 1991 ? L’adaptation des notes explicatives ne peut permettre qu’une réinterprétation limitée, qui ne sera peut-être pas suffisante pour apporter les solutions nécessaire.

Si l’on se contente de continuer comme avant, l’UPOV risque de perdre tout simplement sa raison d’être. Si les NBT ne sont pas reconnues par l’UPOV, les sélectionneurs essayeront (encore plus qu’ils ne le font déjà), d’utiliser le système des brevets ou d’autres systèmes de protection. De plus, l’agriculture biologique a également tendance à faire appel davantage à des populations hétérogènes et des exigences simplifiées en matière de distinction, d’homogénéité et de stabilité. A ce jour, ces populations ne peuvent prétendre à entrer dans le système de l’UPOV. Si tel est l’avenir, l’UPOV ne sera donc bientôt plus nécessaire…