Niveau juridique : France
Dans ce rapport d’activité assez long (44 pages), quelques passages ont particulièrement attiré notre attention…
Quelques extraits (passages en gras soulignés par nos soins) :
Dans la partie consacrée au Pôle amélioration des plantes
« Accéder à de nouveaux outils pour répondre à de nombreux défis
Soutien aux méthodes récentes d’amélioration des plantes pour compléter la boîte à outil du sélectionneur
Les nouvelles techniques d’amélioration des plantes (en anglais « New Breeding Techniques ») ont rapidement émergé au cours de la dernière décennie et permettent déjà la commercialisation de plantes de variétés issues de ces nouvelles techniques dans d’autres parties du monde.
En Europe, la règlementation OGM actuelle (directive européenne 2002/18/CE) a plus de 20 ans et est source de nombreuses divergences d’interprétation. Cette situation d’insécurité juridique ne permet pas le développement de plantes issues des nouvelles techniques d’amélioration des plantes.
La Commission européenne a été saisie par le Conseil de l’Europe en novembre 2019 pour mettre à jour ce cadre réglementaire, afin de prendre en compte les innovations scientifiques. Elle considère ces outils comme un moyen d’atteindre les objectifs ambitieux qu’elle s’est fixée dans le cadre du Pacte Vert (stratégie « Biodiversité » ou « De la ferme à la table »). En effet, ces techniques d’édition génomique ouvrent un champ des possibles original et intéressant. Véritable couteau suisse, elles permettent de modifier de manière ciblée et maîtrisée le génome d’une plante,ce qui constitue une évolution que la règlementation ne couvre pas à l’heure actuelle.
Dans cette réflexion, la Commission européenne cible 3 axes :
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évaluation du risque,
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contribution à la durabilité,
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traçabilité et étiquetage.
Dans cette perspective, elle a lancé plusieurs consultations afin de recueillir des avis et des expertises à différentes échelles. Elle a ainsi saisi l’agence européenne de la sécurité des aliments (EFSA) pour avoir plusieurs avis scientifiques sur la question et a mené une consultation publique de mai à juillet 2022, ainsi qu’une consultation ciblée auprès de différentes organisations pendant le mois de juillet 2022. L’UFS a contribué à ces consultations afin d’exposer sa position sur le sujet, en coordination avec Euroseeds et plusieurs parties prenantes françaises. Il serait important de ne pas discriminer les plantes issues de NBT, dont l’amélioration aurait pu être obtenue naturellement ou par d’autres techniques de sélection, en leur infligeant une évaluation du risque ou une traçabilité qui empêcherait le développement de ces futures variétés.
L’année qui s’est écoulée a été riche en échanges avec différentes structures pour discuter de l’intérêt de l’utilisation de ces techniques, mais aussi pour faire preuve de pédagogie sur ce dossier qui interpelle les acteurs des filières agricoles et alimentaires.
L’année 2023 sera une étape importante dans la construction de cette règlementation puisqu’au second trimestre, la Commission européenne devrait faire part de sa proposition auprès du Conseil de l’Europe et du Parlement européen. »
Selon Jean-Marc FERULLO, administrateur référent du Pôle Amélioration des Plantes : « L’Europe doit se doter d’un cadre clair et précis qui ne laisse pas la place à l’interprétation et qui ne bloque pas l’innovation, tant les enjeux sont importants, notamment au regard du changement climatique ».
Suite du contentieux au niveau du Conseil d’Etat sur la mutagènése et les VTH
Le contentieux, démarré en 2015 après la plainte portée par plusieurs associations et organisations syndicales, a connu cette année de nouvelles étapes.
Le sujet est désormais scindé en deux : d’un côté, l’interprétation du Conseil d’Etat de la décision de 2018 de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) qui laissait planer le doute sur le statut des plantes issues de mutagénèse aléatoire et de l’autre, le sujet des variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH).
Concernant les VRTH, suite à l’injonction d’agir adressée par le Conseil d’Etat au Gouvernement, l’administration réfléchit à un cadre applicable à la culture de ces variétés. Les projets de textes présentés aux homologues européens pourraient entrer en vigueur l’année prochaine et visent les tournesols issus de mutagénèse. Une telle approche entretiendrait une confusion entre les techniques utilisées et l’objectif de sélection.
Concernant la mutagénèse, l’UFS suit ce dossier de près et sensibilise régulièrement le gouvernement sur la nécessité de ne pas limiter l’innovation. La méfiance vis-à-vis de la mutagénèse, pourtant utilisée depuis des décennies, s’est illustrée dans le dossier de l’interprétation de la directive 2001/18/CE relative aux OGM. Le sort de la mutagénèse aléatoire in vitro suscite de nombreux débats franco-français. L’UFS informe régulièrement ses adhérents des multiples péripéties sur ce dossier au long cours dont l’issue pourrait intervenir en 2023.
Saisie en 2021 par le Conseil d’Etat, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) doit statuer sur la pertinence scientifique de distinguer les différentes étapes de la mutagénèse. L’UFS soutient l’expertise scientifique de l’EFSA et du Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) qui ont bien précisé la non-pertinence scientifique d’une telle interprétation. Il parait essentiel de pouvoir mettre fin à ce débat focalisé sur des techniques largement utilisées depuis des décennies en toute innocuité, afin de pouvoir se concentrer sur l’innovation de demain.
Quels traits pour les New Breeding Techniques (NBT) ?
Le développement des nouvelles techniques d’amélioration des plantes offre des possibilités nouvelles pour les sélectionneurs. Bien qu’il soit encore nécessaire d’attendre la révision de la règlementation européenne afin de connaître le cadre à respecter pour le développement de variétés issues de ces nouvelles techniques de sélection, les chercheurs du monde entier travaillent déjà sur les premières applications concrètes.
Les traits qui seront améliorés intéressent la société et les pouvoirs publics, ainsi que La Commission européenne, qui envisage de règlementer différemment les plantes issues des nouvelles techniques de sélection si celles-ci contribuent à la durabilité. Cette question des axes de développement des NBT est donc une question sociétale qu’il est important de prendre en compte.
Une base de données a été lancée par des instituts scientifiques afin de recenser les publications relatives aux plantes issues des nouvelles techniques de sélection. Elles permettent d’avoir une vision d’ensemble objective des traits travaillés. Il est intéressant de constater la diversité des caractères développés et de voir que les traits agronomiques, la résistance aux stress biotiques et la qualité nutritionnelle représentent les deux tiers des publications scientifiques sur le sujet.
Les entreprises semencières ont bien compris ces attentes et proposeront, comme elles l’ont toujours fait, des variétés adaptées aux besoins des agriculteurs ainsi qu’aux aspirations des pouvoirs publics et de la société.
Garantir un cadre stabilisé des méthodes d’inscription
Renouvellement du plan SPAD2 : une continuité qui place les semences comme un levier d’atteinte des objectifs de développement durable (ODD)
Le Ministère de l’Agriculture a actualisé son plan « Semences et Plants pour une Agriculture Durable » en novembre 2021. Cette nouvelle version s’inscrit dans la continuité du plan SPAD1 identifiant les semences comme un des outils permettant de contribuer à atteindre les objectifs de développement durable fixés par l’ONU.
En s’adaptant aux différents besoins des agriculteurs, des industriels agroalimentaires et des consommateurs, les variétés proposent un potentiel de production tout en respectant des exigences technologiques et environnementales.
La déclinaison de ce plan par le Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées (CTPS) a été l’occasion, pour l’UFS, de s’impliquer pour identifier, au sein de chaque section CTPS, les actions prioritaires à mener pour garantir la réussite de ce plan SPAD2.
Les semenciers sont bien conscients d’être les acteurs du progrès génétique et sont donc les plus à mêmes de définir les missions prioritaires pour lesquelles il est possible de s’engager en perspective de résultats concrets qui bénéficieront à tous.
Une entrée en application de la règlementation toujours source d’interrogations
L’année 2022 a vu l’entrée en application du règlement européen relatif à l’agriculture biologique (2018/848/UE). Ce nouveau règlement impacte les semences puisqu’il crée deux nouvelles notions : le matériel hétérogène biologique (MHB) et les variétés biologiques adaptées à la production biologique.
Ces deux concepts partent du principe que c’est dans l’hétérogénéité que réside la capacité de résilience et sous-entend que les variétés actuelles ne sont pas adaptées à l’agriculture biologique.
Il est inquiétant de voir, dans ces deux nouvelles catégories de matériel, une remise en question de l’innovation et de la sélection variétale moderne, qui contribue pourtant au développement de l’agriculture biologique.
En effet, les progrès liés à l’amélioration des variétés est indéniable et a permis, ces dernières décennies, une constante amélioration des qualités agronomiques, technologiques et environnementales du matériel végétal mis à disposition par les semenciers. Certaines de ces variétés conviennent parfaitement aux besoins et aux pratiques de l’agriculture biologique.
La Commission européenne a voulu aller vite, peut-être trop vite, en pressant les discussions sur les variétés biologiques adaptées à la production biologique.
Les premiers dépôts de MHB se font attendre et l’expérimentation encadrant les variétés biologiques adaptées a finalement été repoussée à l’année prochaine.
L’UFS reste mobilisée sur le sujet, en maintenant une veille sur le développement de ces deux catégories.
Selon Thierry MOMONT,administrateur référent du Pôle Amélioration des Plantes : « Si ces nouvelles catégories présentent un intérêt pour certains utilisateurs, elles ne doivent pas, pour autant, mettre en péril le système qui fournit du matériel de qualité, notamment en agriculture biologique. »
On lira aussi avec profit le passage consacré à « [la préservation de] la biodiversité, la mission par nature des semenciers » (p. 24), en particulier
Partager les ressources génétiques dans un cadre adéquat
« Les ressources génétiques font, depuis 1992, l’objet d’une réglementation internationale. La Convention sur la Diversité Biologique (CDB) encadre la conservation, l’accès à l’ensemble des ressources ainsi que le partage des avantages (APA - Accès et Partage des Avantages). Le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA), quant à lui, offre depuis 2004 un cadre spécifique aux ressources végétales destinées à l’agriculture.
Contrairement aux ressources dont elles sont issues, les informations générées par les séquençages ou DSI (Digital séquence Information) ne sont aujourd’hui pas régulées et restent libres d’accès et d’utilisation. Diverses approches de réglementation ont émergé au sein des instances internationales, sans qu’un accord ne soit trouvé entre les Etats.
Les DSI sont vues par les pays du Sud comme une source de financement. Ils attendent une contribution financière des grandes entreprises (pharmaceutiques, cosmétiques, semencières…) pour l’accès aux DSI issues de leurs ressources. A l’opposé, certains pays du Nord s’opposent fermement à l’inclusion des DSI dans un système d’APA.
Ce contexte préoccupe le secteur semencier qui craint que cela ne constitue un frein au partage d’informations sur les ressources phytogénétiques et un obstacle pour la recherche et l’innovation. Largement utilisées par les semenciers, les DSI sont devenues un outil essentiel de la sélection et leur libre accès est primordial pour que l’amélioration variétale puisse continuer à relever les défis qui lui sont lancés et garantir une sécurité alimentaire.
Le 9ème organe directeur du TIRPAA (septembre 2022) souhaite que la CDB construise un processus d’APA général juste et équitable, qui inclurait les DSI, mais en veillant à ne pas bloquer le fonctionnement actuel du TIRPAA. L’ambition est de proposer une règlementation des DSI pour le 11ème organe directeur (en 2025).
Pour les semenciers, il est important que le sujet des DSI soit traité dans le cadre spécialisé du TIRPAA, et essentiel que les DSI restent facile (SIC) d’accès et d’utilisation.
Partager les connaissances au bénéfice de la science et de la conservation de la biodiversité
En à peine 20 ans, près de 800 génomes végétaux ont été entièrement séquencés, dont nombreux appartiennent à des espèces d’intérêt agronomique. Chaque année, des milliers de données de séquences sont générées et mises à disposition de la communauté scientifique. Ces informations de séquence, plus communément appelée en anglais « Digital Sequence Information » (DSI), sont aujourd’hui libre d’accès et d’utilisation contrairement aux ressources génétiques dont elles sont issues. »
On apprend aussi dans ce rapport que l’UFS a rédigé un guide de bonnes pratiques pour l’étiquetage de semences destinées au marché amateur, disponible pour ses adhérent.e.s : « Ce document apporte une lecture complète et synthétique des règles applicables et devrait être une référence leur permettant de s’assurer de la conformité de leurs produits avec la réglementation en vigueur. »(p.28).
Le rapport s’étend également sur la façon dont plusieurs évolutions réglementaires (loi Egalim 1 et 2, transposition de la directive UE 2019/633 sur les pratiques commerciales déloyales dans la filière agricole) ont impacté le secteur semencier dans le domaine de la contractualisation. (p. 29).
Dans la partie consacrée au Pôle production et marché, on relèvera, dans le volet « Promouvoir le progrès génétique » le paragraphe consacré aux « Sujets relatifs à la santé des végétaux » (p. 32).
Dans les travaux du Pôle affaires publiques et communication, on relèvera l’élaboration d’un Guide « Ambassadeur des semences » à destination de ses adhérents. « Ce guide offre un ensemble de repères sur les contributions positives de nos entreprises et traite de 9 sujets que l’on retrouve régulièrement dans le débat public. »
« Depuis 2019, l’UFS oriente son action vers une stratégie d’infiuence et de communication. L’organisation souhaite être mieux identifiée par les parties prenantes et le grand public, être un interlocuteur clé sur des sujets impactants et surtout, soutenir sa position de fournisseurs de solutions dans un contexte de transitions multiples.
Après trois années de maturation, de gain en visibilité et d’anticipation d’échéances majeures, l’UFS a su faire face au contexte incertain de cette année. Les crises sanitaires, climatiques et géopolitiques ont mis en évidence l’utilité sociétale, économique et environnementale des semenciers désormais identifiés par la sphère politique. Ainsi, l’innovation génétique dans le domaine agricole a été reconnue comme prioritaire dans le plan France Relance 2030 pour une alimentation durable et performante, la sélection variétale ayant été identifiée comme une solution d’avenir dans le cadre du Varenne de l’eau, etc.
Par la mobilisation de ses porte-paroles, l’UFS s’est présentée comme un éclaireur, et un facilitateur dans l’appréhension de sujets techniques et complexes, que ce soit les nouvelles méthodes de sélection (NBT) ou les impacts du conflit russo-ukrainien. Cela s’est manifesté par une hausse des sollicitations des médias (28 retombées presse entre janvier et juin 2022). Cette couverture médiatique plus diversifiée est renforcée par l’intérêt croissant de la presse généraliste.
Parallèlement, sur les réseaux sociaux, l’UFS a su multiplier les leviers pour capter l’attention d’une communauté très attentive aux contenus d’actualités, qui a permis de conquérir de nouveaux abonnés issus du secteur agri/agro et de faire interagir notre communauté. »
Lien vers la présentation du rapport d’activité ICI
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