Niveau juridique : International
Cette réunion s’inscrit dans le cadre de la session annuelle de l’UPOV pour 2022 (voir fiche veille 3823)
Parmi les sujets abordés, on retiendra tout particulièrement les thématiques suivantes.
Variétés essentiellement dérivées
Bien que le sujet n’était pas prévu à l’ordre du jour, Mr. Edgar Krieger, Secréaire général de la communauté internationale des sélectionneurs de plants horticole à reproduction asexuée (CIOPORA) a fait une déclaration sur les variétés essentiellement dérivées au nom du secteur des sélectionneurs, à propos de l’évolution du processus de révision des notes explicatives sur les variétés essentiellement dérivées. Il s’inquiétait du fait que le Comité consultatif n’avait pas encore approé le brouillon de ces notes explicatives, alors que le secteur des sélectionneurs soutenait cette version. Il a ainsi exhorté les pays membres à adopter le projet sans modifications, sous peine de cause un grand préjudice à l’UPOV. Il estime que si le nouveau projet n’est pas adopté, la note explicative actuelle doit être abrogée, au risque de mettre en péril rien de moins que l’avenir de la sélection !
Le président du CAJ lui a rappelé que la question serait examinée par le Comité consultatif lors de sa prochaine réunion, le 27 octobre 2022.
Pour un résumé des principaux enjeux autour de la question, voir le résumé d’APBREBES sur la question ICI ou encore la partie consacrée à ce sujet dans la fiche veille 3549
Orientations concernant les petits exploitants agricoles en matière d’utilisation privée et non commerciale
Le CAJ était simplement invité à prendre acte des évolutions concernant la possibilité de formulation d’orientations concernant les petits exploitants agricoles en matière d’utilisation privée et non commerciale. (à retrouver dans la fiche veille 3730). En effet, il revient que Comité consultatif de décider si le groupe de travail sur les petits exploitants agricoles doit continuer son travail.
Cependant, le représentant du Japon a pris la parole sur le sujet, pour réitérer sa position : la vente doit rester hors du champ de l’exception. Le représentant de la Seed Association of America (SAA) a surenchérir, ajoutant que l’échange entre petits exploitants agricoles ne devait pas non plus être concerné. D’autres voix, en particulier celle de l’UE, ont estimé qu’une solution devait être trouvée, car il en allait de la réputation de l’UPOV. Le Canada s’est exprimé en faveur d’une solution équilibrée, et de la continuation des travaux du groupe de travail. De manière surprenante Euroseeds, qui avait été a l’initiative de la discussion avec Plantum et Oxfam et avait proposé une adaptation des notes explicatives, a suggéré qu’il pourrait y avoir d’autres options que l’adaptation de ces notes…
Voir document associé ICI
Produit de la récolte
Le CAJ était invité à prendre acte du travail réalisé par le groupe de travail sur le produit de la récolte et l’utilisation non autorisée de matériel de reproduction ou de multiplication (WG-HRV).
Les travaux du groupe de travail portent plus particulièrement sur l’interprétation de la notion « d’utilisation non autorisée de matériel de reproduction ou de multiplication ». Ce travail a notamment été initié après la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans « l’affaire Nadorcott » en décembre 2019. Il semble que les industriels et les Etats membres essayent de changer l’interprétation de la Cour en réécrivant les notes explicatives…
Affaire Nadorcott - affaire C-176/18
Il s’agit d’un litige opposant le Club de Variedades Vegetales Protegidas (CVVP), représentant le titulaire du COV communautaire de la variété de mandariniers Nadorcott à l’agriculteur Adolpho Martinez Sanchis au sujet de exploitation, par ce derniers, de plants de cette variété. Les faits remontent à 2006, lorsque l’agriculteur espagnol commence à exploiter une plantation de mandariniers Nadorcott en Murcie, avec des plants acquis entre le 22 août 1995 et le 15 février 2006 auprès d’une pépinière ouverte au public. Or, la société Nadorcott Protection SARL avait déposé le 22 août 1995 une demande de COV communautaire auprès de l’OCVV, demande qui n’avait été confirmée que le 15 février 2006. Le CVVP reprochait à M. Martínez Sanchís, en vendant des fruits de la variétés Nadorcott, d’avoir fait une « utilisation non autorisée de constituants variétaux de la variété protégée », constitutif d’un acte de contrefaçon.
Il s’agissait ici essentiellement de faire la distinction entre les art. 13(2) et 13 (3) du règlement 2100/94 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, qui s’appuie sur la convention UPOV de 1991. L’art. 13(2) énonce une liste d’actes qui sont interdits sans l’autorisation du titulaire du droit, entre autres, la production, la reproduction, le conditionnement, la mise en vente, la vente, etc. de constituants de variétés ou de matériel de récolte. Toutefois, l’art. 13(3) ajoute la mise en garde que cela s’applique au matériel récolté seulement si : « (1) il a été obtenu par l’utilisation non autorisée des constituants de la variété « ; et « (2) à moins que le titulaire ait eu une possibilité raisonnable d’exercer son droit sur lesdits constituants de la variété.»
Dans cet arrêt, la CJUE a appliqué le système dit de « protection en cascade », qui fait la distinction entre les constituants de la variété et le produit de la récolte et accorde une protection primaire aux premiers et une protection secondaire aux seconds.
En l’espèce, la CJUE a estimé que la plantation des arbres de Nadorcott et la récolte de ses fruits ne pouvaient être considérées comme un « acte de production ou de reproduction (multiplication) » des constituants de la variété (article 13(2)(a)), mais plutôt comme la production de matériel récolté (article 13(3)). Par conséquent, aucune autorisation du titulaire du droit n’est requise.
Voir arrêt sur le site de la CJUE ICI
Nouveauté des lignées parentales en rapport avec l’exploitation d’une variété hybride
Le CAJ a examiné l’exposé présenté conjointement par International Seed Federation(ISF), CropLife International, Seed Association of the Americas (SAA), Association Asie‑Pacifique pour les semences (APSA), Association africaine du commerce des semences (AFSTA) et Euroseeds sur la nouveauté des lignées parentales en rapport avec l’exploitation d’une variété hybride. Ces sélectionneurs soutiennent en effet que, selon eux, la commercialisation d’un hybride ne porte pas atteinte à la nouveauté des lignées parentales endogames correspondantes. Il ne serait donc pas justifié que certains offices nationaux chargés de l’octroi des COV déclarent que les lignées parentales ne sont pas nouvelles dans le cas où les composés de ces lignées parentales, ont déjà été produits ou vendus et refusent donc d’accorder un COV sur ces hybrides.
Bien que lors de la dernière réunion du CAJ, ABPREBES avait pointé du doigt l’absence de représentation équilibrée des différents points de vue sur la question (puisque avaient uniquement été entendus sur la question les représentants des sélectionneurs), cette fois-ci encore la seule présentation faite pour introduire le sujet a été celles des associations de sélectionneurs… Alors même que le Bureau, dans sa réponse à ABPREBES, c’était engagé à garantir que les événements soient organisés avec un équilibre des perspectives.
Les discussions sur le sujet ont été brèves, et si certains membres ont suggéré l’établissement d’un groupe de travail sur le sujet, cela n’a pas fait consensus. Finalement, sur proposition du Canada, il a été décidé que les organisations d’obtenteurs réaliseraient une enquête sur les pratiques commerciales relatives à l’impact de l’exploitation commerciale de l’hybride sur la nouveauté des lignées parentales, dont les résultats seraient étudiés lors de la prochaine réunion du CAJ.
La façon dont est traité le sujet est assez révélatrice de l’absence de prise en compte de la pluralité des opinions au sein de l’UPOV…
Lien vers le rapport du CAJ (en anglais) ICI
Lien vers les documents de la réunion ICI