Niveau juridique : International
Pour rappel, ce groupe de travail est chargé d’étudier le rapport et les propositions établis par Oxfam, Plantum et Euroseeds en lien avec le Bureau de l’UPOV (= « l’équipe de projet) concernant la proposition de reconnaître que « de nombreux petits exploitants agricoles ne sont pas liés aux systèmes de semences officiels (commerciaux). Ces agriculteurs peuvent se lancer dans l’utilisation, l’échange et la vente locale de semences autoproduites qui constituent un excédent lorsque les récoltes n’ont pas toutes été consommées par le foyer de l’agriculteur, en vue d’améliorer sa sécurité alimentaire et ses moyens de subsistance. Cette proposition s’applique principalement au matériel de multiplication ou de reproduction des plantes alimentaires destinées à la consommation domestique. »
Lors de la première réunion, les recommandations 1 et 2 avaient été examinées (Pour un résumé des résultats de cette première réunion, voir fiche veille 3 730). L’examen des recommandations 3 à 6 était l’objet de la présente réunion.
Examen des recommandations
« Question n° 3 : Le diagramme doit-il suivre une approche différente pour les différents groupes de plantes (y compris les cultures pérennes) ou types de production?
Recommandation : Nous recommandons au groupe de travail de conclure que le type de plante et la méthode de propagation (multiplication végétative ou reproduction par voie sexuée) ne font pas l’objet d’une attention particulière en tant qu’élément préliminaire de l’évaluation finale. Cela peut toutefois constituer un élément dans l’application de l’exception si un membre de l’UPOV souhaite mettre davantage l’accent sur les plantes qui sont importantes au niveau national ou régional pour la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des agriculteurs.»
Le groupe de travail n’a fait aucune observation sur cette recommandation.
« Question n° 4 : Les plantes non alimentaires devraient-elles être exclues de l’exception ?
Recommandation : Nous recommandons de considérer le diagramme comme un outil qui indique la nature commerciale ou non-commerciale d’une activité relative à une variété, qui est menée par un petit exploitant agricole. En principe, l’équipe de projet est d’avis que la culture d’une variété protégée d’une plante non alimentaire peut en soi être une indication de l’activité commerciale, comme indiqué dans le diagramme ci-joint. Toutefois, le groupe de travail souhaitera peut-être préciser que, dans certains cas, la culture de plantes non alimentaires peut être essentiellement destinée à la consommation domestique et, par conséquent, relever de l’exception si tous les critères du diagramme sont remplis.»
Comme on pouvait s’y attendre, les discussions ont été plus vives sur ce point. Ainsi, sans surprise, le représentant de la Communauté internationale des obtenteurs de plantes horticoles de reproduction asexuée (CIOPORA) s’est montré très défavorable, estimant que, pour ce qui est des plants ornementales et des fruits, étant donné que ces plantes peuvent rester au sol des années et que les arbres fruitiers peuvent également être productif pendant des décennies, la valeur du droit d’obtenteur pourrait être considérablement réduite.
En revanche, les délégations de Norvège, Suisse et de l’Union européenne, ainsi que l’APREBES se sont prononcés en faveur de cette recommandation. En effet, comme le souligne l’APREBES, les plantes médicinales sont des plantes non alimentaires qui sont souvent destinées à la consommation privée.
« En conclusion, le président indique qu’il y a quelques déclarations en faveur de la recommandation n° 4 dans sa forme actuelle, mais que les préoccupations exprimées devraient être étudiées.»
« Question n° 5 : Quelle est la pertinence du lieu de l’acte dans le contexte de l’exception relative à l’utilisation dans le cadre privé à des fins non-commerciales?
Recommandation : Nous recommandons que le groupe de travail précise dans les notes explicatives que la consommation domestique ne doit pas nécessairement avoir lieu sur l’exploitation de l’agriculteur au sens strict mais doit être liée à son foyer direct.
En ce qui concerne le diagramme, nous recommandons de préciser davantage que les critères doivent être remplis par les deux parties, c’est-à -dire non seulement par l’agriculteur qui échange ou vend la production excédentaire, mais également par l’agriculteur qui la reçoit. Ainsi, ce dernier doit également semer les graines dans l’intention de cultiver une plante essentiellement destinée à sa propre consommation domestique. »
Si les délégations de Norvège, des Pays-Bas, de la Suisse et de l’UE se prononcent en faveur de cette recommandation, d’autres délégations sont plus réservées, comme celles du Japon, des Etats-Unis ou du Chili. Cette dernière estime en particulier qu’il serait important de préciser le sens des termes « territoire » et « lieu ». Elle estime également que « la référence aux actes (…) à des fins non-commerciales” dans l’article 15.1)i) de l’Acte de 1991 est en contradiction avec le texte de la recommandation n° 5, qui fait référence aux “ventes” ».
« En conclusion, le président indique que des préoccupations ont été exprimées au sujet de la recommandation n° 5 et qu’il faudrait y répondre. Il note que des travaux supplémentaires seraient nécessaires pour fournir des éclaircissements sur les questions soulevées ci-dessus. »
« Question n° 6 : Existe-t-il des critères mesurables ou quantitatifs qui peuvent être utilisés pour définir les notions clés dans le diagramme?
Recommandation : Nous recommandons au groupe de travail de considérer le diagramme comme un outil qui permet de préciser la nature de l’activité qui est considérée comme entrant dans le champ d’application de l’exception et qui peut fonctionner parallèlement à des indicateurs ou paramètres propres à chaque pays. »
Ici, les discussions ont dérivé sur la pertinence de poursuivre les travaux du groupe. Ainsi, le Japon s’est prononcé en défaveur de leur poursuite. Selon lui, « par définition, la vente ou l’échange de semences protégées par les droits d’obtenteur entre dans la catégorie de l’utilisation non privée et à des fins commerciales » et que « toute orientation risque de créer une faille qui compromettrait l’efficacité du système de l’UPOV ». Il conviendrais plutôt selon lui d’élargir les travaux pour « inclure la manière de fournir des variétés améliorées aux agriculteurs, y compris aux petits exploitants agricoles, lorsqu’elles tombent dans le domaine public après leur période de protection ».
Les autres délégations se montrent elles plutôt favorable à la poursuite des travaux du groupe de travail, avec plus ou moins de réserves. Ainsi, pour plusieurs délégations, il serait important de bien préciser quels actes relèveraient de l’exception facultative “pour les actes commerciaux” ou de l’exception obligatoire “pour les actes non-commerciaux”.
Dans ses paroles de conclusion, le président du groupe de travail note que « les interventions avaient montré que certains s’interrogeaient sur l’existence même d’un problème, tandis que d’autres soulignaient que le manque de clarté pouvait empêcher les petits exploitants agricoles d’utiliser des semences de qualité. Il a conclu qu’il y avait un consensus au sein du WG-SHF sur le fait que tous les agriculteurs devaient avoir accès à de bonnes semences et qu’il était important de faire un effort pour améliorer les moyens de subsistance des agriculteurs du monde entier. ». Estimant que le groupe de travail n’était pas prêt à tirer des conclusions pour commencer la rédaction d’une note explicative, il a proposé de poursuivre les travaux sur le sujet, avec notamment la tenue d’une 3ème réunion le 16 mars 2023.
On notera les échanges sur le fait que l’enquête auprès des membres et observateurs de l’UPOV n’avait révélé aucune action en justice relative au droit d’obtenteur contre des petits exploitants agricoles. Sur le sujet : « La délégation du Japon fait remarquer que l’absence d’actions en justice relatives au droit d’obtenteur contre des petits exploitants agricoles ne signifie qu’il n’y a pas eu d’atteinte. La délégation du Canada fait observer que les obtenteurs peuvent choisir de ne pas engager de procédure judiciaire parce que ce ne serait pas dans leur intérêt, compte tenu de la manière dont ces actions sont perçues par le public. La délégation de la Norvège croit comprendre, d’après les interventions, que le secteur des semences n’est pas intéressé par une action en justice contre les petits exploitants agricoles, car leurs actes ne sont pas considérés comme faisant partie de son activité principale. »
Lien vers les documents de la réunion ICI