Commission européenne - Interview de la directrice générale à la Commission sur le matériel de reproduction des végétaux, Päivi Mannerkorpi, sur la réforme du droit européen des semences - Magazine European seed, 26 février 2021

Niveau juridique : Union européenne

Dans un article intitulé « Des semences de qualité pour un usage professionnel » publié par le magazine European seed le 26 février 2021, la directrice générale (DG) de la Commission européenne en charge du dossier « matériel de reproduction des végétaux » s’est exprimée sur une possible future réforme de la réglementation européenne sur la commercialisation des semences. Pour plus d’information sur les prémices de cette réforme, voir la synthèse des actualités juridiques d’octobre-novembre 2020 et celle de décembre et janvier 2021.

Päivi Mannerkorpi suit ce dossier au sein de la Commission depuis 2008. Elle a donc suivi la précédente tentative de réforme européenne. Pour éviter un nouvel échec, tout l’enjeu résiderait, selon elle, dans une meilleur communication entre la Commission européenne et la Commission Agriculture du Parlement européen, mais aussi avec le grand public et les ONG. Un vaste programme… Résumé des prises de position de la DG.

Réglementation européenne obsolète.

La DG affirme que le droit européen sur les semences - contenus dans 12 directives sectorielles datant pour une large partie des années 1960 - est obsolète et que les États membres souhaitent le voir remodeler. Elle cite quelques exemples de problèmes pratiques posés par la réglementation actuelle :

  • la liste des espèces entrant dans le champ d’application de certaines directives de commercialisation ne peut pas être modifiée (par exemple, il n’a pas été possible d’inclure le sarrasin);

  • les règles restrictives sur les mélanges variétaux ne permettent pas de suivre les évolutions internationales;

  • les nouvelles règles de l’OCDE sur les techniques biomoléculaires devraient normalement être introduites dans la législation de base;

  • des procédures compliquées sont appliquées, entraînant une charge administrative, par exemple, des difficultés d’approvisionnement temporaires;

  • de nouvelles approches innovantes suite à des développements techniques et scientifiques ne peuvent être introduites.

  • les résultats des expériences temporaires, dans lesquelles de nouvelles règles alternatives sont testées, ne peuvent pas être appliqués après la période maximale de sept ans (pour info, des expériences temporaires sont actuellement en cours ou viennent de se terminer sur « l’inspection sur pied sous contrôle officiel », « les véritables semences de pommes de terre », « les populations/matériaux hétérogènes » et « l’inspection sur pied officielle fondée sur le risque »).

Défis auxquels fait face le secteur semencier.

Au delà de ces problèmes pratiques dues aux dispositions réglementaires existantes, la DG identifie différents enjeux qui traversent la filière semences. Selon elle, il est indispensable « de créer un cadre commun et simplifié pour tous les secteurs du matériel de reproduction des plantes, d’accorder plus de responsabilité et de flexibilité aux opérateurs, de réduire les formalités administratives et les coûts en rendant les règles plus souples et plus efficaces dans l’ensemble de l’UE, de renforcer la biodiversité et les possibilités de marchés de niche et pour les petits producteurs et de rendre les règles plus compatibles avec les objectifs politiques tels que l’intensification durable de l’agriculture et la conservation de la biodiversité. En outre, l’objectif était de rationaliser les procédures administratives pour soutenir l’innovation et d’établir des conditions de concurrence équitables en introduisant le principe du recouvrement des coûts ».

Elle poursuit : « pour relever ces défis, nous disposons d’outils plus performants et en constante évolution que jamais, qui soutiennent l’innovation, comme par exemple les techniques biomoléculaires, le big data et la bio-informatique, la numérisation, la robotique, l’intelligence artificielle ».

Contenu de l’étude de la Commission à venir.

La Commission doit publier pour le 30 avril 2021 une étude sur l’état de la réglementation. Elle a d’ores-et-déjà débuté un exercice de collecte de données externes dans le but de mettre à jour et de compléter, si nécessaire, les documents publiés par la Commission lors de la précédente tentative de réforme, de 2008-2014 (qui avait échoué après un rejet massif du texte au Parlement européen). Il s’agit notamment d’évaluations et d’analyses d’impact.

Elle abordera aussi certains point qui n’avaient pas été développés à l’époque, comme :

  • la commercialisation auprès des consommateurs finaux/des jardiniers amateurs;

  • les variétés de conservation/d’amateur;

  • les critères de durabilité de la valeur pour la culture et l’utilisation (VCU) utilisés dans les essais de variétés par certains États membres (égalité des chances, impacts du changement climatique ?);

  • les expériences temporaires sur les approches innovantes;

  • le contrôle officiel de toutes les catégories;

  • la flexibilité pour les essais de variétés (par exemple, un an par les sélectionneurs), etc.

L’étude s’attachera également à identifier des options possibles pour mettre à jour la législation européenne sur les semences.

Les points clés d’une réglementation appropriée selon Päivi Mannerkorpi.

  • Un système solide de droits de propriété intellectuelle « afin de protéger l’innovation et de rester compétitif dans l’économie mondiale ».

  • Sur la forme, il faut apporter des modifications ciblées aux directives européennes existantes sur la commercialisation des semences et plants, en traitant à part le matériel de reproduction forestier (l’idée de la précédente tentative de réforme d’une fonte des différentes directives sectorielles en un règlement européen unique est donc abandonnée).

  • Il est crucial de maintenir le système d’enregistrement des variétés végétales, mais en le modernisant : « il doit s’adapter pour permettre des essais efficaces avec des outils modernes, des processus administratifs et des bases de données efficaces, permettant de reconnaître le travail effectué par les sélectionneurs sur les essais de variétés ». Il doit également prendre en compte le changement climatique : les essais de variétés devraient être effectués dans un plus grand nombre de lieux, aux conditions bio-climatiques variables, s’interroger sur l’opportunité de déplacer la production agricole vers des environnements protégés (serres, production verticale).

  • Il faut mettre en place des règles adaptées pour le marché biologique.

  • La DG s’interroge aussi sur l’opportunité ou non de conserver le système de certification des semences alors que les entreprises semencières ont mis au point de bonnes pratiques de fabrication et des systèmes et technologies d’assurance qualité qui fournissent, par exemple, de meilleurs outils d’identité et de traçabilité. Celui-ci pourrait être remplacé par une approche « plus moderne » fondée sur la notion de risque. Et de s’interroger : « qu’en est-il des consommateurs, demandent-ils des semences de qualité contrôlée ou préfèrent-ils plutôt un plus grand choix de matériel non contrôlé risquant d’être de moindre qualité ?

  • Enfin, il faut selon elle investir massivement les nouvelles technologies du numérique et les utiliser à tous les stades : enregistrement des variétés, processus techniques d’essai des variétés, certification des semences, étiquetage.

En somme : continuer à favoriser un environnement réglementaire moderne et efficace dans le domaine de la sélection végétale et de la production de semences, dans lequel l’innovation peut prospérer, selon les lignes politiques de la nouvelle Commission.

Lien vers l’article complet ICI.