Assemblée nationale : Adoption du Projet de loi croissance et transformation des entreprises, dite loi PACTE (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) en lecture définitive

Niveau juridique : France

Projet de loi croissance et transformation des entreprises, dite loi PACTE (plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte le 19 juin 2018.

Contexte et enjeux :

Le projet de loi PACTE vise à « transformer le modèle d’entreprise français pour l’adapter aux réalités du XXIème siècle ». Il contient entre autre des dispositions relatives au droit des brevets :

  • Article 40 : création d’une demande provisoire de brevet et modernisation du certificat d’utilité (titre de propriété provisoire de 6 mois). La demande provisoire de brevet consiste en un dépôt auprès de l’INPI à moindre coût et avec moins de formalités, le déposant peut ainsi se prévaloir d’une date de priorité et détailler ultérieurement ses revendications (dans un délai d’1 an maximum).

  • Article 42 : création d’une procédure d’opposition aux brevets d’invention, ie un recours administratif contre les titres délivrés. Aujourd’hui, la nullité d’un brevet délivré par l’INPI ne peut être prononcée que suite à une procédure judiciaire. A noter que la pratique de la procédure d’opposition existe déjà pour les brevets déposés à l’OEB.

L’article 42 habilite le Gouvernement à créer par voie d’ordonnance un droit d’opposition aux brevets déposés à l’INPI, permettant à toute personne de demander à l’INPI la révocation du brevet délivré. Dans ce cadre, l’INPI aura compétence pour procéder à un contrôle approfondi de la brevetabilité de l’invention, en particulier au regard du critère d’activité inventive et pourra, soit révoquer le titre, soit le maintenir (le cas échéant, sous une forme modifiée). L’objectif de cette disposition est de renforcer la présomption de validité des brevets français, car jusqu’à présent l’INPI ne peut rejeter une demande de brevet pour défaut d’activité inventive (il faut passer par la case judiciaire). Cette procédure d’opposition sera un dispositif administratif qui se veut simple, rapide et peu coûteux, pouvant dans certains cas éviter le recours en justice pour obtenir l’annulation du brevet.

En l’état actuel du droit, bien que l’activité inventive soit un des trois critères (avec la nouveauté et l’application industrielle) d’obtention du brevet, l’INPI ne statue pas sur ce point au moment de la demande de brevet, en raison du caractère subjectif de la notion, et laisse cette responsabilité au juge en cas d’action en nullité engagée par un tiers. Elle ne peut s’opposer à une demande de brevet qui serait dépourvue sur ce seul motif : elle ne peut qu’en informer le déposant.

Le droit actuel ne prévoit pas de procédure d’opposition aux brevets autre que judiciaire.

Texte de l’article 42 relatif à la création d’une procédure d’opposition aux brevets d’invention :

« I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi, nécessaires pour :

1° Créer un droit d’opposition aux brevets d’invention délivrés par l’Institut national de la propriété industrielle afin de permettre aux tiers de demander par voie administrative la révocation ou la modification d’un brevet ;

2° Prévoir les règles de recours applicables aux décisions naissant de l’exercice de ce droit ;

3° Permettre d’une part, de rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, avec les adaptations nécessaires, les articles du code de la propriété intellectuelle et, le cas échéant, d’autres codes et lois, dans leur rédaction résultant des mesures prévues au 1° pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, et, d’autre part, de procéder aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy,de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance. »

Lien vers le projet de loi ici

Examen du texte en commission (mi-septembre 2018)

Lors du passage du texte en commission, une modification rédactionnelle de l’article 42 a été acceptée. Il est ainsi maintenant précisé à l’al. 2 que l’ordonnance doit « Prévoir les règles de recours applicables aux décisions naissant de l’exercice de ce droit tout en s’assurant de limiter la prolifération de recours abusifs ».

La commission a aussi ajouté un article additionnel après l’article 42, visant à instaurer un contrôle a priori du critère de l’activité inventive par l’INPI.

« Article 42 bis (nouveau)

I. – L’article L. 612-12 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Le 5° est ainsi rédigé :

« 5° Dont l’objet n’est pas brevetable au sens du 1 de l’article L. 611-10 du présent code, ou qui ne peut être considéré comme une invention au sens du deuxième paragraphe de l’article L. 611-11 du même code ; »

2° Après le mot : « alors », la fin du 7° est ainsi rédigée : « qu’il résulte du rapport de recherche que l’invention n’est pas nouvelle ou n’implique pas d’activité inventive ; ».

II. – Le I du présent article, entre en vigueur deux ans après la promulgation de la loi n°       du           relative à la croissance et à la transformation des entreprises. »

A noter que les amendements déposés en commission par un groupe de députés Les Républicains visant à supprimer l’article 42, arguant que ce droit d’opposition créerai une instabilité juridique ont été tout deux repoussés. (amendements CS672 et CS673).

De même, l’amendement CS1011, visant à ce que s’appliquent seuls les délais de prescription de l’action en nullité expressément prévus par le Code de la propriété intellectuelle et non ceux de la procédure civile a été retiré, en raison d’un travail en cours sur le sujet par le Gouvernement avec les acteurs économiques concernés. Le Gouvernement devrait faire des propositions sur ce point dans les 2 mois. (pour les débats, voir p. 698 du tome I du rapport).

La commission a aussi adopté un amendement (amendement n° 1829) ajoutant un article additionnel après l’article 43 visant à exclure du dispositif de partage des avantages issus des ressources génétiques (APA), à titre expérimental pour 3 ans les ressources génétiques prélevées sur des micro-organismes sur le territoire de la France métropolitaine. (article 43 quinquies, pour les discussions voir p. 719 du rapport : semblent être visés essentiellement des levures).

« Article 43 quinquies (nouveau)

À titre expérimental et pour une durée de trois ans, les ressources génétiques prélevées sur des micro-organismes sur le territoire de la France métropolitaine ne sont pas soumises à la section III du chapitre II du titre Ier du livre IV du code de l’environnement.

Avant le 30 septembre 2021, le ministre chargé de la protection de la nature présente au Parlement un rapport faisant le bilan de cette expérimentation. »

Lien vers le rapport de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi : partie 1 (chapitre I et II) ici (pour l’article 42, voir p. 694 et suivantes).

Discussion en séance publique

Pour la discussion en séance publique, une série d’amendements ont été déposés visant à la suppression de l’article 42 : amendements n° 218, n° 769, n° 2034, n°2603. De même la demande d’ajouter l’intérêt à agir, repoussé lors de la discussion en commission, a été redéposé via les amendements 220, 271 et 770.

Lors de la discussion en séance du 2 octobre 2018, l’ensemble de ces amendements ont été rejetés (voir fiche veille n° 2388 et n°2385)

Lien vers le dossier législatif ici

Suite de la discussion au Sénat

Le texte du projet de loi a été transmis au Sénat le 10 octobre 2018, où l’examen en séance publique a commencé début 2019. Le texte de la petite loi (articles déjà examinés) est d’ores et déjà disponible ici.

Sur les articles dont nous avons mis l’accent ci-dessus, seuls les articles 40 et 42 ont été adoptés dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale.

L’article 42 bis a été supprimé. Cet article visait à instaurer un contrôle a priori du critère de l’activité inventive par l’INPI. Or selon la majorité des sénateurs, la disposition aurait pour conséquence de freiner l’innovation et il serait très difficile pour l’INPI d’apprécier le critère d’activité inventive. Lors des débats en séance publique, Mme la sénatrice Dominique Estrosi Sassone a ainsi affirmé que   »le contrôle a priori du critère de l’activité inventive constituera une lourdeur administrative pour les entreprises, du temps et des coûts supplémentaires. Sans compter qu’il suppose un renforcement substantiel des moyens de l’INPI, ce à quoi notre déficit public record ne se prête pas - - la Cour des comptes l’avait fait remarquer dans son référé du 20 octobre 2014«  . (voir le compte-rendu intégral des débats ici).

La rédaction de l’article 43 quinquies a par ailleurs été modifiée suite à l’adoption d’un amendement proposé par le Gouvernement. Il s’agit notamment de davantage encadrer et circonscrire l’expérimentation de la suppression du mécanisme d’accès aux ressources génétiques. L’article est désormais ainsi rédigé :

Article 43 quinquies

À titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur du décret prévu au deuxième alinéa du présent article, l’accès aux ressources génétiques prélevées sur des micro‑organismes sur le territoire de la France métropolitaine n’est pas soumis au respect des exigences de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre IV du code de l’environnement.

Un décret précise les informations requises des utilisateurs de ressources génétiques mentionnées au premier alinéa du présent article afin de suivre et évaluer l’expérimentation.

L’expérimentation prévue au présent article n’est pas applicable aux ressources génétiques mentionnées au 3° de l’article L. 1413‑8 du code de la santé publique.

L’article précise donc désormais que l’expérimentation de la suppression du mécanisme d’accès aux ressources génétiques, qui concerne les micro-organismes du territoire métropolitain, est limitée à trois ans et commence à compter de l’entrée en vigueur du décret qui précisera les informations demandées aux utilisateurs de ressources génétiques pour permettre le suivi et l’évaluation de l’expérimentation.

En outre, le champ d’application de l’expérimentation exclue désormais les ressources génétiques collectées par les laboratoires au titre de la prévention et la maîtrise des risques graves pour la santé humaine. Ces ressources génétiques font parties de la collection nationale de ressources biologiques d’intérêt pour la santé publique (CNRBISP) créée à l’article L1413-8 du code de la santé publique. Les micro-organismes concernés par cette exclusion sont par exemple la fièvre hémorragique, charbon, rage, Dengue, Chikungunya…

Pour le Gouvernement,cette expérimentation repose sur l’hypothèse selon laquelle les bénéfices pour la biodiversité de l’instauration de ce mécanisme d’accès pour ces micro-organismes sont limités, par rapport aux autres espèces de métropole.

Enfin, les sénateurs ont introduit un article 42 quinquies qui vise notamment à préciser que les actions en nullité d’un certificat d’obtention végétale et d’un brevet ne sont soumises à aucun délai de prescription. Selon les sénateurs qui ont présenté cet amendement,  »L’absence de prescription de l’action en nullité permettra ainsi d’assainir la concurrence en éliminant les titres nuls et de faire disparaître à tout moment un titre qui occupe sans droit le domaine public«  (voir ici).

Le texte, tel que modifié par le Sénat, a été transmis à la Commission mixte paritaire le 12 février (pas de deuxième lecture car le gouvernement avait engagé la procédure accélérée dès juin 2018).

Rapport de la Commission mixte paritaire

La Commission mixte paritaire s’est réunie le 20 février, mais elle n’a pas été en mesure de proposer un texte sur les dispositions du projet de loi restant en discussion. Parmi les points clivants, il y avait notamment celui du contrôle a priori de l’activité inventive des brevets.

Le projet de loi va désormais faire l’objet d’une nouvelle lecture à l’Assemblée nationale par la Commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

Lien vers le rapport de la Commission mixte paritaire : www2.assemblee-nationale.fr/documents/notice/15/rapports/r1703/(index)/rapports

Nouvelle lecture du projet de loi - Assemblée nationale

La commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises a commencé ses travaux le 5 mars.

Trois amendements visant l’article 42 bis ont été déposés (leur sort n’est pas encore connu). Deux d’entre eux - soutenus par le groupe La République en Marche et les rapporteurs du projet de loi - visent à rétablir l’article 42 bis qui crée un mécanisme de contrôle a priori du respect des critères d’inventivité et d’application industrielle dans la procédure de délivrance des brevets par l’INPI (amendements n°748 et n°859). Les députés soutenant ces amendements estiment notamment que le mécanisme de contrôle a priori améliorera la compétitivité des entreprises françaises dans la mesure où le contrôle a posteriori de la validité du brevet (dans le cadre d’une procédure judiciaire) représente un risque d’insécurité juridique.

Un autre amendement, soutenu notamment par M. Fasquelle, vise au contraire à supprimer l’article 42bis (amendement n°517). Selon les députés soutenant cet amendement, le mécanisme de contrôle a priori par l’INPI  »constituerait une triple peine pour les innovateurs : un système plus cher, plus long, plus complexe, et sans bénéfice manifeste. Cette procédure irait ainsi complètement à l’encontre de l’objectif consistant à améliorer l’attractivité du système français. Le résultat prévisible serait en effet de dissuader les innovateurs de déposer leurs demandes de brevet en France« .

L’examen du projet de loi par la commission spéciale s’est terminée le 7 mars.

Pou ce qui est de l’article 42 bis, la commission spéciale a adopté les deux amendements identiques déposés par les rapporteurs du projet de loi et par le groupe La République en marche, pour permettre à l’INPI de s’opposer à la délivrance d’un brevet dépourvu d’activité inventive ou d’application industrielle.

S’agissant de l’article 42 quinquies, qui avait été inséré par le Sénat en séance (imprescriptibilité des actions en nullité des titres de propriété intellectuelle), il a été maintenu par la commission spéciale avec quelques modifications rédactionnelles.

L’article 43 quinquies (Dérogation expérimentale, pour une durée de trois ans au dispositif d’accès aux ressources génétiques, pour les activités de recherche et développement sur les micro-organismes prélevés sur le territoire métropolitain) a, pour sa part, été adopté dans sa rédaction issue du Sénat.

Voir le texte de la commission spéciale ici et son rapport ici. Voir également les comptes-rendus ici.

Adoption du projet de loi en nouvelle lecture

Après une discussion du projet de loi en séance publique, qui a débuté le 13 mars, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi le 15 mars.

Les députés ont maintenu les articles 42 bis (contrôle a priori de l’activité inventive et d’application industrielle) et 42 quinquies (imprescriptibilité des actions en nullité des brevets et COV) et 43 quinquies (Dérogation expérimentale, pour une durée de trois ans au dispositif d’accès aux ressources génétiques, pour les activités de recherche et développement sur les micro-organismes prélevés sur le territoire métropolitain) conformément au texte de la commission spéciale (aucun amendement n’avait été déposé sur ces articles pour l’examen en séance publique).

Lien vers le dossier législatif ici.

Le texte a été transmis au Sénat pour nouvelle lecture le 18 mars.

Nouvelle lecture au Sénat

Réunie le mercredi 27 mars 2019, la commission spéciale a décidé de déposer une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi PACTE. Une telle motion a pour objet de faire décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur le projet de texte présenté. En conséquence, la commission n’a pas adopté de texte.

Lors de la discussion en séance publique qui s’est tenue le 9 avril 2019, les sénateurs ont adopté la motion, par 191 voix pour et 50 voix contre. En conséquence, il n’a pas adopté le projet de loi.

En vue de la discussion en séance publique, plusieurs amendements avaient été déposés, notamment un sur l’article 42bis (examen a priori de l’activité inventive). L’amendement, présenté par M. Delahaye, visait à laisser au déposant le choix de demander à l’INPI un examen de fond lorsqu’il le juge opportun, et ce afin de ne pas rendre systématique l’examen de l’activité inventive. Selon le sénateur, le caractère systématique d’un tel examen serait en effet  »contraire aux objectifs de la loi PACTE qui consistait à simplifier et réduire les coûts pour les entreprises afin de les rendre plus compétitives« . Le sénateur estime en outre qu’un tel examen se traduira par une augmentation des dépenses publiques en raison du recrutement de nouveaux examinateurs par l’INPI et de leur formation.

Adoption en lecture définitive par l’Assemblée nationale

L’Assemblée nationale a adopté en lecture définitive le projet de loi PACTE le 11 avril 2019, par 147 voix pour et 50 contre (8 abstentions).

Parmi les dispositions relatives au brevet, au COV et aux semences, on notera que les mesures suivantes ont été adoptées :

  • habilitation du Gouvernement à prendre, par voie d’ordonnance, les mesures nécessaires pour créer une procédure d’opposition en droit des brevets (procédure qui existe déjà dans la Convention sur le brevet européen) ;

  • imprescriptibilité des actions en nullité d’un brevet ou COV ;

  • examen a priori de l’activité inventive et de l’application industrielle ;

  • dérogation expérimentale, pour une durée de trois ans au dispositif d’accès aux ressources génétiques, pour les activités de recherche et développement sur les micro-organismes prélevés sur le territoire métropolitain.

La promulgation de la loi interviendra après la décision du Conseil constitutionnel, qui a été saisi le 16 avril 2019 par plus de soixante députés de l’opposition.

 

Lien vers le texte adopté provisoire adopté en lecture définitive par l’Assemblée nationale ici.

Lien vers le dossier législatif ici.