Niveau juridique : France
publiée dans le JO Sénat du 17/01/2013 - page 108
M. Pierre Bernard-Reymond demande à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt de bien vouloir lui indiquer le jugement qu’il porte sur la loi n° 2011-1843 du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale et s’il n’estime pas nécessaire de reconnaître les droits des agriculteurs sur leurs semences tels que définis aux articles 5, 6 et 9 du Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA). Il lui demande également de bien vouloir lui indiquer l’état de cette question au niveau de l’Union européenne.
Réponse du Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, publiée dans le JO Sénat du 28/03/2013 - page 1017
La loi n° 2011-1843 du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale (COV) conforte le dispositif des COV comme élément essentiel de protection intellectuelle des variétés végétales, permettant de protéger l’innovation dans le secteur de la génétique végétale dans le respect de l’équilibre des droits entre les différents acteurs.
Cette loi permet également à la France de se mettre en conformité avec ses engagements internationaux en matière de protection intellectuelle des obtentions végétales, et notamment avec la convention de 1991 de l’Union pour la protection des obtentions végétales (UPOV). Ces engagements ont été réaffirmés à travers la publication du texte de cette convention par décret du 5 juillet 2012. Le dispositif des COV tel que prévu par la Convention de l’UPOV est un système de protection intellectuelle plus ouvert que d’autres dispositifs comme celui des brevets.
En effet, ce dispositif permet entre autres que l’agriculteur qui met en culture une variété protégée puisse utiliser une partie de sa récolte comme semence en vue de la récolte suivante (« semence de ferme »), sans accord préalable de l’obtenteur.
Le texte de la loi renvoie à des accords interprofessionnels le soin d’organiser les modalités de cette pratique, notamment le versement d’une indemnité aux obtenteurs détenteurs du COV afin de prévoir une juste rémunération de leurs travaux de recherche. Ce sont ces travaux de recherche, associés à la recherche académique publique, qui permettent la mise à disposition des agriculteurs et des consommateurs de variétés répondant aux enjeux de durabilité de l’agriculture, de son adaptation aux changements climatiques et de qualité sanitaire et nutritionnelle des aliments. Alors que le développement d’une nouvelle variété représente un investissement lourd (1,5 millions d’euros en moyenne sur 10 années pour une nouvelle variété de blé), l’objectif est de créer les conditions d’une juste rémunération de l’effort de recherche.
Ce texte n’oblige aucun agriculteur à utiliser une variété protégée. Pour les variétés non protégées (plusieurs centaines inscrites au Catalogue national des espèces et variétés de plantes cultivées), ce texte ne modifie en rien le droit des agriculteurs à ressemer leur champ avec une partie de leur récolte.
Il convient en outre de noter que ces dispositions relatives à la protection intellectuelle des obtentions végétales ne modifient en rien la réglementation déjà applicable en matière d’échanges et de commercialisation des semences, réglementation qui est directement issue de directives européennes. Ainsi, la loi du 8 décembre 2011 ne crée en aucune façon une nouvelle taxe pour les agriculteurs, mais au contraire donne désormais un cadre légal à la pratique des semences de ferme pour des variétés protégées par un COV national, pratique ancestrale dans le monde agricole.
Il était en effet urgent, à travers la modification de notre droit national et dans le respect des règles internationales, de remettre dans la légalité cette pratique de nombreux agriculteurs. Les décrets d’application de cette loi sont actuellement en cours de rédaction par le ministère chargé de l’agriculture. Leur élaboration, qui doit se faire dans le respect de la réglementation européenne elle-même en évolution, nécessite un pas de temps suffisant permettant d’assurer une large consultation de l’ensemble des parties prenantes.
La loi et prochainement ses décrets d’application sont les éléments essentiels du renforcement du dispositif de soutien à la recherche et l’innovation en France dans le domaine végétal, et de la protection intellectuelle qui permet de garantir l’équilibre des intérêts entre les différents acteurs tout en favorisant la sélection végétale.
Enfin, les dispositions de cette loi, tout autant que celles du règlement 2100/94/CE qui institue le régime de protection communautaire des obtentions végétales, sont conformes à celles prévues dans le traité international sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPGAA), en particulier son article 9 qui souligne le droit des agriculteurs de participer à la prise de décisions.
Il convient de préciser qu’au niveau national, sur les questions relatives à la conservation et à l’utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture, les représentants des agriculteurs participent aux décisions concernant la biodiversité cultivée au sein du comité technique permanent pour la sélection des plantes cultivées.