Sénat : Compte rendu de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, Mercredi 6 juin 2018, Table ronde sur les produits phytosanitaires

Niveau juridique : France

Table ronde sur les produits phytosanitaires, autour de M. Roger Genet, directeur général, et Mme  Françoise Weber, directrice générale adjointe de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, en charge des produits réglementés, M. Philippe Mauguin, Président-directeur général de l’Institut national de la recherche agronomique, Mme Karine Brulé, sous-directrice de la protection et de la gestion de l’eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques au ministère de la transition écologique et solidaire, M. Patrick Dehaumont, directeur général de l’alimentation au ministère de l’agriculture et de l’alimentation, M. Didier Marteau, membre du Bureau de l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture, président de la Chambre d’agriculture de l’Aube

Au cours de cette table ronde, la question des nouvelles techniques de sélection a été évoquée.

Extraits choisis :

« M. Hervé Maurey, président. - Merci pour toutes ces interventions. Je vais laisser maintenant les membres de la commission poser leurs questions en donnant tout d’abord la parole à Pierre Médevielle, rapporteur pour avis de notre commission sur le projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.

M. Pierre Médevielle. - (…) Ma première question s’adresse à M. Mauguin : quelle est votre position sur les plantes dites NBT (New Breeding Techniques) ? Celles-ci présentent un intérêt : elles consomment moins d’eau, sont plus résistantes à certaines agressions et conduisent donc à réduire la consommation de produits phytosanitaires. Selon vous, doit-on les catégoriser comme organismes génétiquement modifiés (OGM) ? (…)

M. Jean Bizet. - Tout d’abord, je voudrais remercier et féliciter l’ensemble des intervenants qui ont très clairement souligné que la question qui nous préoccupe aujourd’hui relève d’une responsabilité partagée entre les différents intervenants et les instances communautaires. Nous sommes dans un marché unique, et donc toute décision unilatérale d’un État membre peut faire plaisir à certains, mais ne résout pas le problème. Cela expose les agriculteurs français à des distorsions de concurrence. (…) J’ai une deuxième question : similaire à celle de notre collègue Pierre Médevielle, sur le classement des New Breeding Techniques. Monsieur Mauguin a précisément et justement dit que la solution serait pour partie la combinaison de techniques agronomiques, d’une meilleure utilisation du bio-contrôle et de la génétique. Or, l’Europe, et la France en particulier, a une occasion unique d’autant plus que cette technologie a été inventée par une Française, Emmanuelle Charpentier. Si nous ne saisissons pas cette chance, la France perdra la deuxième place qu’elle a encore aujourd’hui au niveau mondial en ce qui concerne l’activité semencière. En matière de communication, j’ai le sentiment que les sociétés anglo-saxonnes s’en tirent beaucoup mieux que la société française sur ces sujets. Il y a peut-être matière à s’inspirer de leurs pratiques. Chacun se souvient, en 2012, de la manipulation médiatique grossière qui avait été orchestrée par M. Séralini et Mme Lepage, sur la dangerosité de certains OGM. La Commission avait réagi à des manipulations sur des rats devenus difformes. Pourtant, des analyses ayant coûté 15 millions d’euros, ont démontré l’innocuité de ces produits. Or, il n’y a eu aucune communication sur ces résultats. (…)

M. Philippe Mauguin. - (…) Les nouvelles biotechnologies présentent effectivement beaucoup d’intérêt dans un certain nombre de cas. Je ne pense pas que l’on puisse dire que c’est l’arme absolue, mais c’est un outil intéressant, et nos chercheurs à l’INRA mobilisent ces techniques. La recherche française n’est pas en retard sur ce point. La précision et la rapidité de l’insertion peuvent être très utiles et efficaces quand on a beaucoup de caractères à faire évoluer en même temps. Je prends l’exemple d’une plante qui a beaucoup de ravageurs et pour lesquels on pourrait mobiliser des gènes de résistance. Le faire par des techniques traditionnelles d’hybridation est possible, mais prendra du temps. La question qu’il faudra se poser lors des débats entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre sera celle du temps : au lieu de prendre 15 ou 20 ans pour introduire des résistances dans une plante, accepte-t-on d’utiliser ces techniques ? Pour le moment on est dans l’attente d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, qui aura probablement un impact sur la sur le cadre réglementaire européen applicable à l’utilisation de ces techniques.»

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