AN : Amendement n° 2621 sur le projet de loi « Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire » n° 902, 1ère lecture - REJETE

Niveau juridique : France

AMENDEMENT N°2621 présenté par un groupe de députés la France Insoumise

Texte de l’amendement :

ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L’ARTICLE 11 UNDECIES, insérer l’article suivant:

« Chapitre Ier bis

« Dispositions générales relatives à la politique agricole française.

« Art…

« Après le 1° du I de l’article L. 1 du code rural et de la pêche, il est inséré un 1° bis ainsi rédigé :

« 1° bis D’œuvrer lors des négociations avec les autres membres de l’Union Européenne, notamment concernant la Politique Agricole Commune, pour une transition écologique et paysanne basée sur le principe de souveraineté alimentaire détaillée en annexe 1 de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable. »

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

Avant de discuter en détail de la meilleure manière d’assurer un revenu décent aux paysans tout en respectant le droit européen, il nous semble indispensable d’avoir une discussion sur les positions de la France concernant la politique européenne sur les questions agricoles et notamment la Politique Agricole Commune.

En effet, une grande partie de l’avenir des paysans se joue au niveau de l’Union Européenne. Quelle politique agricole en matière de libre-échange ? C’est l’Union Européenne qui négocie les accords de libre-échange avec le Canada ou le Mercosur. Quelle régulation des marchés agricoles ? C’est au niveau de l’Union Européenne que se décide la fin des quotas laitiers. À qui vont les aides de la PAC ? Quels sont les pesticides à interdire ? etc.

Il serait incompréhensible de parler des heures de l’avenir des paysans sans discuter une minute de ce qui serait souhaitable pour la PAC après 2020 qui est négociée en ce moment même. Quels doivent être ses objectifs, ses outils et ses moyens ? Comment en faire une politique pour une agriculture écologique et paysanne et non dédiée à la course au gigantisme et à l’agrobusiness ?

Nous proposons notre vision dans cet amendement et appelons à une discussion, dans le cadre de ce projet de loi, sur l’avenir de la Pac après 2020.

« Annexe 1 :

« L’Assemblée émet le souhait que les positions suivantes soient défendues par la France lors des négociations avec les autres membres de l’Union Européenne, notamment concernant la Politique Agricole Commune :

« 1° Pour un renforcement de la régulation des marchés agricoles, afin de garantir aux paysans de l’Union Européenne un revenu décent, grâce aux outils suivants :

« – mise en place pour certaines productions de prix minimums aux producteurs ;

« – régulation des volumes de production et instauration de quotas de production ;

« – mise en place sur certaines productions de taxes à l’importation ;

« – instaurer le protectionnisme solidaire et mettre en échec des accords de libre- échange ;

« – construire une alliance stratégique avec les pays engagés dans la défense de la

souveraineté alimentaire et de l’agriculture paysanne et promouvoir des accords de solidarité et de coopération respectueux du droit à la souveraineté alimentaire.

« 2° Mettre les aides de la Politique Agricole Commune au service de la transition écologique agricole à travers différentes mesures :

« – suppression du système actuel d’aides à l’hectare ;

« – subventions destinées à compenser les investissements et autres coûts générés par la transition écologique de l’agriculture ;

« – rémunération de services spécifiques fournis à la société par l’agriculture écologique (gestion des territoires, préservation de l’environnement et du potentiel productif naturel, contribution à la neutralité carbone de l’économie) ;

« – soutien au revenu des exploitations agricoles situées en zones défavorisées (montagnes et zones sèches) ;

« – soutien à l’installation de nouveaux agriculteurs ;

« – soutien à la transition du système alimentaire, y compris via des dotations à la restauration collective.

« 3° Pour l’interdiction des pesticides les plus dangereux pour la santé humaine et pour l’environnement, et notamment les néonicotinoïdes, les herbicides à base de glyphosate, des « OGM cachés » échappant à l’actuelle législation sur les OGM , le dépôt de brevets sur le vivant, et l’utilisation des produits issus des nanotechnologies. »

Lien vers la page de l’amendement ici

L’amendement a été rejeté lors de la discussion en séance publique du 26 mai 2018

Extraits des débats :

« M. le président. La parole est à M. François Ruffin, pour soutenir l’amendement no 2621.

M. François Ruffin. Cet amendement fait écho au débat que nous venons d’avoir. Nous voulions le présenter avant l’article 1er, mais il a été déplacé, semble-t-il, après l’article 11 undecies. Nous souhaitons engager, ce soir dans notre assemblée, un débat sur la politique agricole commune. Il me semble que nous sommes tous frais et prêts pour cela !

Les traités de libre-échange comme le CETA ou l’accord avec le Mercosur sont négociés par l’Union européenne. Ainsi, discuter du revenu des paysans sans discuter de la politique agricole commune, c’est regarder la paille plutôt que la poutre ! De même, qui se charge de la régulation des marchés agricoles ? C’est toujours l’Union européenne ! À qui sont destinées les aides de la politique agricole commune ? Quels sont les pesticides à interdire ? Tous ces débats ont lieu, pour l’essentiel, au niveau européen. C’est pourquoi il nous semble nécessaire d’engager dès ce soir un débat à l’Assemblée nationale pour connaître les orientations que défendra le ministre sur toutes ces questions et bouleverser la politique agricole commune. Il serait dommage de ne discuter que de ce qui se passe dans notre petit périmètre alors que des décisions touchant un espace beaucoup plus vaste risquent d’être négociées dans les semaines à venir !

La France insoumise a pondu une présentation des orientations que devrait prendre la politique agricole commune selon nos vues. Vous trouverez ce document en annexe de l’exposé sommaire de notre amendement. (…)

Le dernier volet de notre stratégie porte sur « l’interdiction des pesticides les plus dangereux pour la santé humaine et pour l’environnement, et notamment les néonicotinoïdes, les herbicides à base de glyphosate, des « OGM cachés » échappant à l’actuelle législation sur les OGM ».

Sur tous ces points, il nous semble nécessaire d’entendre la parole du ministre pour savoir dans quel cadre il veut faire évoluer notre agriculture. En effet, nous sommes en train de regarder un point de détail dans un vaste tableau. Il me semble que tout le monde a le vif désir et l’énergie d’engager ce débat ce samedi soir, à vingt-trois heures. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. (…) Cet amendement n’a pas de portée normative : je comprends bien qu’il s’agit d’un amendement d’appel déposé pour inciter le ministre à s’exprimer sur la politique agricole commune. Cependant, nous commencerons à négocier la nouvelle politique agricole commune dans quelque temps : aujourd’hui, nous ne sommes pas encore en pleine négociation.

Ce projet de loi vise à redonner aux agriculteurs la capacité de vivre de leur travail et de devenir de plus en plus autonomes par rapport aux aides – c’est aussi l’un des objectifs du titre Ier. Je ne dis pas que nous y arriverons demain ni après-demain. Nous voulons redonner de la valeur à ce que produisent et vendent nos agriculteurs pour leur permettre de s’autonomiser par rapport aux aides.

Je ne veux pas rouvrir le débat, mais la France et l’agriculture française, notamment la filière des céréales, ont besoin d’exportations. Nous ne pouvons pas vivre comme si le monde était fermé – cette situation n’existera plus. De toute façon, dans un monde fermé, l’agriculture ne s’est jamais tirée d’affaire : il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé en URSS, notamment, où les agriculteurs étaient les premiers qui mouraient de faim.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Travert, ministre. Défavorable. J’entends bien l’invitation qui m’est faite à parler de la PAC, mais j’ai déjà eu l’occasion de présenter nos intentions en la matière avant d’engager le débat sur ce projet de loi ; j’ai aussi eu l’occasion de les rappeler à deux reprises depuis le début de nos discussions.

J’aurai vraiment grand plaisir à vous retrouver, monsieur Ruffin, en commission des affaires économiques, dans le cadre d’une table ronde ou pour être interrogé sur ces sujets importants. Pour le moment, il faut que nous avancions, car nous avons encore de beaux sujets à débattre ensemble.

Je le répète, j’aurai grand plaisir à venir débattre avec vous de ce que nous souhaitons faire dans le cadre de la prochaine PAC. Croyez-moi, nous nous en occupons, nous y travaillons et nous essaierons de faire en sorte qu’elle réponde aux intérêts de nos agriculteurs.(…)

(L’amendement no 2621 n’est pas adopté.) »

Débats à retrouver ici