AN : Amendement n° 965, 1447, 2028 et 2101 et amendement n° 2211 sur le projet de loi « Équilibre dans le secteur agricole et alimentaire » n° 902, 1ère lecture

Niveau juridique : France

L’ensemble de ces amendements visent à inscrire textuellement dans le Code rural la possibilité de vendre des semences de variétés non inscrites au Catalogue officiel à des amateurs. Leur rédaction est toutefois un peu différente.

  • Amendement n° 2211 présenté par M. Sébastien Jumel (député Gauche démocrate et républicaine de Seine Maritime) - REJETE

Cet amendement propose une rédaction nouvelle de l’art L661-8 du Code rural, qui serait alors libellé comme de suit (modifications en gras) :

« La cession, la fourniture ou le transfert, réalisé à titre gratuit ou à titre onéreux de semences ou de matériels de reproduction des végétaux d’espèces cultivées de variétés appartenant au domaine public à des utilisateurs finaux non professionnels en vue d’une utilisation ne visant pas une exploitation commerciale de la variété ne sont pas soumis aux dispositions du présent article, à l’exception des règles sanitaires relatives à la sélection et à la production. »

  • Amendement n° 2101 (présenté par un groupe de députés En marche), n° 965 (présenté par Mme Maillart-Méhaignerie, rapporteur commission dev durable), n° 1447 (présenté par Mme Batho), n° 2028 (présenté par un groupe de députés La France insoumise)- ADOPTE

Ces amendements sont tous semblables dans leur rédaction. Ils diffèrent légèrement du premier dans la rédaction de l’article L 661-8 du Code rural qu’ils proposent (modifications en gras) :

« La cession, la fourniture ou le transfert, réalisé à titre gratuit ou à titre onéreux de semences ou de matériels de reproduction des végétaux d’espèces cultivées de variétés appartenant au domaine public à des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété n’est pas soumis aux dispositions du présent article, à l’exception des règles sanitaires relatives à la sélection et à la production. »

A noter que des amendements semblables avaient été adoptés en commission développement durable, mais ensuite rejetés par la commission des affaires économiques (voir fiche veille 2190)

Extraits de débats en séance publique (passages en gras soulignés par nos soins) :

« M. Sébastien Jumel. (…)Avec le présent amendement, nous reprenons un débat entamé sous la précédente législature avec le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Le Parlement s’était alors attaché à lever les obstacles à l’échange de semences de variétés paysannes anciennes appartenant au domaine public. Il avait souhaité que ces variétés, dès lors qu’elles étaient destinées à des utilisateurs non professionnels, puissent être librement échangées sans que l’on exige leur inscription préalable au catalogue qui a vocation à répertorier l’ensemble des semences.

Dans le prolongement de ces dispositions, le présent amendement vise à rétablir, conformément au souhait du législateur, la possibilité de cession à titre onéreux des variétés de semences relevant du domaine public et destinées aux jardiniers amateurs. L’enjeu est, vous l’avez compris, de faciliter la conservation et la diffusion de variétés anciennes afin de préserver la biodiversité agricole, qui est liée, d’une certaine manière, à notre identité.

(…)

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour soutenir l’amendement no 965.

Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Le présent amendement a été adopté par la commission du développement durable, mais repoussé par la commission des affaires économiques.

L’article 11 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages avait modifié l’article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime afin d’exempter la cession, la fourniture ou le transfert de semences et de matériels de reproduction des végétaux d’espèces cultivées de variétés appartenant au domaine public du respect des règles fixées en la matière par un décret en Conseil d’État, dans le cas où la cession se ferait à titre gratuit ou à des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété. Ledit article 11 prévoyait aussi que cette dérogation s’appliquait à la cession à titre onéreux lorsqu’elle était réalisée par une association relevant de la loi de 1901.

Dans sa décision du 4 août 2016, le Conseil constitutionnel a validé la première disposition, mais déclaré la seconde inconstitutionnelle au motif qu’elle portait atteinte au principe d’égalité devant la loi, dans la mesure où il n’y avait pas lieu d’avantager les associations loi 1901 par rapport à d’autres organismes.

Nous proposons dès lors, par le présent amendement, de réintroduire l’exemption pour les cessions à titre onéreux sans aucune restriction. Cette mesure vise à favoriser la commercialisation des semences destinées aux jardiniers amateurs. Cela permettrait d’améliorer considérablement la conservation, la diffusion et l’enrichissement de la biodiversité agricole réalisés par les artisans, semenciers et jardiniers amateurs. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. Sur l’amendement no 2211, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

(…)

Mme la présidente.La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir l’amendement no 2028.

M. Loïc Prud’homme. Nous reprenons ici un amendement qui a été voté par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, mais rejeté par la commission des affaires économiques. Il tend à rétablir les possibilités de cession à titre onéreux des variétés de semences relevant du domaine public et destinées aux jardiniers amateurs. Les jardiniers jouent un rôle crucial dans la conservation, la diffusion et l’enrichissement de la biodiversité agricole, enjeu majeur, je l’ai rappelé tout à l’heure, pour l’agriculture et l’alimentation du XXIe siècle. En effet, 90 % des variétés traditionnellement utilisées par les paysans ont cessé d’être cultivées en l’espace d’un siècle, et 75 % d’entre elles sont irréversiblement perdues.

Le présent amendement s’inscrit dans un combat plus large pour la libre utilisation des semences et pour la préservation de la biodiversité. Soulignons d’ailleurs qu’une victoire vient d’être remportée à cet égard : le Parlement européen a voté l’autorisation de la commercialisation des semences paysannes par les agriculteurs bio dès janvier 2021.

Il s’agit de réinstaurer la possibilité de pratiquer les échanges à titre onéreux, sans les réserver à une catégorie particulière d’opérateurs. Nous souhaitons que les jardiniers aient ainsi accès à une plus grande diversité de semences, surtout aux variétés qui ont été interdites à la commercialisation par le système du catalogue officiel du GNIS – Groupement national interprofessionnel des semences et plants. Cette interdiction a conduit la justice française à condamner des associations de jardiniers qui faisaient commerce de variétés oubliées. Il s’agit de sauvegarder un patrimoine génétique dont nous serons bien heureux de pouvoir profiter dans les prochaines années.

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour soutenir l’amendement no 2101.

Mme Barbara Pompili. Cet amendement me tient particulièrement à cœur, car il avait été voté dans le cadre du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité lorsque j’étais secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Il vise à nous doter enfin de vrais outils pour que nous ne perdions pas toute notre biodiversité agricole, notamment en matière de fruits et légumes.

Les chiffres ont été rappelés, notamment par la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture : nous avons perdu 75 à 80 % des variétés traditionnellement utilisées par les paysans. Certaines ne sont pas encore définitivement perdues, mais, si nous continuons à nous en tenir uniquement au nombre très réduit de variétés actuellement inscrites au catalogue officiel – cela est dû à des raisons liées à la standardisation, à la taille, au goût et autres – nous allons perdre tout ce qui fait notre richesse depuis de années.

Aujourd’hui, il existe une directive européenne sur les variétés de conservation. On pourrait donc penser que tout va bien et que le travail est fait. Reste que, comme tout le droit européen – ce qui justifie mes fortes divergences avec le ministère sur l’appréciation de ce droit –, la directive est limitée aux semences cultivées en vue d’une exploitation commerciale.

C’est sur les semences cultivées en vue d’une exploitation non commerciale que porte l’amendement. La directive ne permet de conserver qu’un très petit nombre de variétés anciennes et locales. Seules onze variétés sont inscrites en France dans cette catégorie : neuf variétés de pommes de terre, une de navets et une de maïs. C’est dérisoire ! Au niveau européen, on n’en trouve que soixante et onze, soit une moyenne de deux variétés et demie par État membre.

Nous ne pouvons pas continuer à perdre notre biodiversité. Aujourd’hui, des jardiniers amateurs accomplissent un travail extraordinaire, parce qu’il échappe aux contraintes de l’exploitation commerciale et à l’obligation de la rentabilité. Ils ont recueilli des collections plus ou moins vastes qui sont notre mémoire, mais une mémoire entretenue dans le vivant, qui ne ressemble en rien à une banque.

La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages leur a donné la possibilité de pratiquer des échanges à titre non onéreux. Il est essentiel que nous leur accordions la possibilité de le faire également à titre onéreux. Cela signifie simplement qu’ils pourront échanger des petits sachets de graines – jamais à des agriculteurs, car c’est interdit – afin qu’ils puissent rentrer dans leurs frais.

Une telle mesure concerne principalement des associations, dont on connaît la difficulté qu’elles ont à se financer. Aidons-les à le faire et à poursuivre un travail d’intérêt public crucial au moment où, dans notre pays comme ailleurs, nous sommes en train de perdre la biodiversité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM, ainsi que sur les bancs des groupes GDR et NG.)

Mme la présidente. Sur les amendements nos 965, 1447, 2028 et 2101, je suis saisie par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. (…)

Monsieur le rapporteur, quel est l’avis de la commission sur l’amendement no 2211, ainsi que sur les amendements identiques nos 965, 1447, 2028 et 2101, qui ont été défendus avant la suspension de séance ?

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. J’émets un avis défavorable, pour des raisons que je laisse à M. le ministre le soin d’expliquer.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Stéphane Travert, ministre. Avis défavorable. La mesure serait incompatible avec les obligations prévues par la réglementation européenne,…

M. Jean-Paul Dufrègne. Et voilà !

M. Stéphane Travert, ministre. …laquelle interdit de commercialiser, donc de certifier des semences qui ne figurent pas au catalogue de certains États membres.

(…)Nous devons tenir compte des risques que courraient des variétés non inscrites et non évoluées, ce qui peut poser problème pour une commercialisation.

En revanche, les variétés anciennes bénéficient déjà de dispositions adaptées, ce qui permet leur inscription au catalogue officiel des espèces et variétés. Nous souhaitons que l’on s’empare des variétés qui existent, ce qui donnerait satisfaction aux auteurs des amendements.

On s’aperçoit aujourd’hui que celles qui sont inscrites au catalogue ne sont pas suffisamment prises en compte par les utilisateurs. Il faut donc accomplir un travail de communication pour les faire connaître.

(…)

M. Julien Aubert. Je regrette que le rapporteur de la commission des affaires économiques n’ait pas expliqué la nature de sa divergence avec la rapporteure pour avis de la commission du développement durable, qui a soutenu l’amendement no 965. Il est assez rare que deux commissions de même majorité statuent différemment. Cela montre qu’il existe en l’espèce un débat de fond.

Je m’interroge sur l’impact de la mesure proposée. Les jardiniers dont nous parlons cultivent-ils des volumes importants ? L’adoption des amendements modifierait-elle les conditions économiques du secteur ?

D’ailleurs, faut-il réellement parler de « commercialisation » – terme qui suggère l’idée de mise en vente dans un système de distribution commerciale – quand on échange des semences même à titre onéreux ?

Pour toutes ces raisons, je pense qu’au niveau juridique, l’argument développé par le ministre…

M. Jean-Paul Dufrègne. …ne tient pas !

M. Julien Aubert. …appelle peut-être une analyse plus poussée. En somme, la solution proposée semble être une de bon sens, mais nous manquons d’éléments d’analyse économique pour comprendre ce qu’il y a derrière.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Si vous aviez assisté à l’ensemble des débats, vous auriez constaté que, la plupart du temps, la commission des affaires économiques et la commission du développement durable convergent. Il arrive toutefois que nous ne soyons pas du même avis. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)

(…)

M. Nicolas Turquois. Permettez-moi de porter à votre connaissance quelques éléments pour éclairer le débat et expliquer pourquoi nous nous trouvons dans cette situation, étant précisé que je n’ai pas d’avis absolu sur le sujet. Je précise que mon exploitation agricole est entièrement tournée vers la production de semences de céréales, de maïs et de légumes. Il existe un règlement spécifique parce qu’à une variété donnée, un nom commercial donné doit correspondre une définition précise. Une semence de tomate cœur-de-bœuf donnera des variétés, des plants différents selon que vous l’aurez achetée du côté de la Touraine ou des Bouches-du-Rhône. Ce seront dans les deux cas de grosses tomates, mais les plants seront dissemblables. En France, en Europe, à un nom de variété doit correspondre une plante aux définitions à peu près stables. Tel est le biais. Les noms vernaculaires utilisés dans les différentes régions ne correspondent pas aux mêmes réalités, ce qui explique la réglementation.

Cela étant, j’entends la demande de mes voisins, qui souhaitent pouvoir échanger – ce qui est déjà possible – et acheter des variétés dites anciennes. C’est l’enjeu de la réglementation. Si l’on en reste à des échanges et des achats entre particuliers, entre amateurs de jardinage, je ne vois pas vraiment le problème. Mais certaines démarches sont commercialement beaucoup plus agressives. Sur un marché auquel je suis allé il y a une quinzaine de jours étaient vendues des semences anciennes de quinoa, qu’on sait difficiles à trouver, compte tenu du caractère récent de l’implantation de cette plante en France.

Je voulais vous rappeler l’origine de l’existence de cette réglementation sur le sujet. Soit le ministère est en mesure de proposer une solution pour les petites quantités, les faibles échanges, soit je voterai contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. J’entends les remarques qui sont faites. Je m’inscris en faux contre l’argument selon lequel ces amendements contreviendraient à la réglementation européenne. Je veux bien qu’une directive comporte une ambiguïté, mais la volonté du législateur européen a toujours été d’exclure de la législation les pratiques non commerciales. Or, tel est bien le champ d’application de ces amendements, qui concernent ce type de pratiques et s’appliquent à de petites quantités. Encore une fois, nous ne souhaitons pas conférer aux agriculteurs le droit de vendre ces semences dans le cadre d’une exploitation commerciale. J’entends les inquiétudes de certains, mais je rappelle que les pratiques que nous souhaitons promouvoir existent au Danemark depuis 2015. Ce pays a présenté ce dispositif devant la Commission européenne en 2016, et cela n’a donné lieu à aucune difficulté. Il faut arrêter d’avoir peur de tout, d’identifier des problèmes a priori ; la perte de la biodiversité, elle, ce n’est pas une peur mais bel et bien une réalité. Arrêtons de nous voiler la face ! Nous disposons là d’un outil excellent pour préserver notre biodiversité cultivée. Utilisons-le et contrôlons ensuite son utilisation, comme nous le faisons pour tout produit issu de l’agroalimentaire et de l’agriculture. Il est évident que des contrôles devront être opérés sur l’application de cette loi. Des mesures sont d’ores et déjà prévues dans la loi sur la biodiversité.

(…)

M. Matthieu Orphelin. Effectivement, c’est aller dans le sens de l’histoire que d’accepter ces amendements. Une décision historique a été prise au niveau européen il y a quelques jours. Cela étant, j’ai entendu les questionnements formulés, notamment, par le rapporteur et le ministre. Ces amendements visent l’échange entre jardiniers amateurs. Je préconise qu’on adopte l’un d’eux aujourd’hui et qu’on le retravaille pendant la navette, pour que la distinction avec un certain nombre de petits producteurs soit mieux établie. Ce serait envoyer un signal fort que de voter en ce sens. La crise de la biodiversité est si grave qu’il faut se lancer. Les risques me paraissent vraiment très limités. Allons-y et retravaillons la disposition une fois qu’elle sera votée, au cours de la navette, pour rassurer tout le monde. Il faut agir à un tel niveau face à la crise de la biodiversité qu’il me paraît préférable de l’adopter, même si sa rédaction actuelle n’est pas parfaite.

(…)

M. Bertrand Pancher. Les jardiniers amateurs s’échangent en permanence des semences. Il faut être vraiment tordu ou faire partie d’une administration très verticale pour songer à autoriser l’échange de semences entre amateurs, ce qui vient pourtant d’avoir lieu. Si certains veulent se vendre des semences, nous n’allons pas bâtir une organisation nationale, mondiale des jardiniers amateurs. Ça me paraît dépasser l’entendement. C’est la raison pour laquelle je voterai évidemment ces amendements. S’ils ne sont pas votés, on trafiquera ensemble, on se vendra nos semences entre amateurs, voilà tout.

(…)

M. Richard Ramos. Jardiner, c’est comme manger, c’est particulier, c’est du lien social.(…). Les jardiniers, de plus en plus, échangent leurs semences, leurs pratiques.

M. Sébastien Jumel. Notamment dans les jardins ouvriers.

M. Richard Ramos. Dans la ruralité, cela crée du lien social supplémentaire. Cela dépasse le simple acte de jardiner ou de manger, c’est une culture, un savoir, que nous devons préserver. Le président Fesneau connaît bien ces questions, car le Loir-et-Cher abrite la ferme de Sainte-Marthe. Que s’est-il passé ? On a acheté des variétés de tomates, prétendument anciennes. On en a gardé quelques-unes pour replanter les pépins, et hélas, on a dû constater que les grands coquins nous avaient vendu des hybrides ! On ne pouvait plus reproduire ces cultures nous-mêmes ! Mais ce que la terre a donné, elle doit pouvoir le reproduire librement.

(…)Ce qui est important, c’est qu’on laisse aux jardiniers amateurs ce plaisir fondamental. Lors des États généraux de l’alimentation, il a été dit que c’était par l’éducation, les cours de cuisine que nous allions bien faire manger les gens. La cuisine commence avec le produit. Laissons cuisiner les gens et laissons-les librement échanger ce qui donnera de bons produits. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes MODEM, et REM, ainsi que sur les bancs des groupes GDR, FI et NG. – M. Olivier Falorni et Mme Sylvia Pinel applaudissent également.)

(…)

M. Stéphane Travert, ministre. (…)Je voulais dire à M. Aubert – qui sait de quoi il parle, puisqu’il est magistrat à la Cour des comptes – que la mise en vente dans un circuit commercial, c’est, juridiquement, une mise sur le marché. Certains d’entre vous proposent de voter l’amendement puis de le retravailler, mais il est délicat de voter une disposition qu’on ne maîtrise pas complètement ; l’amendement pourrait rester figé dans le texte, sans que l’on parvienne à le retravailler conformément à nos objectifs. Je suis ouvert à ce que nous retravaillions cette disposition, mais je préfère éviter de l’inscrire dans le marbre, car cela pourrait nous poser problème. Il existe une interdiction de commercialiser et de certifier des semences qui ne sont admises au catalogue d’aucun État membre. Pour être admise au catalogue officiel, une variété doit être « distincte, stable et suffisamment homogène » pour garantir à l’acheteur une valeur culturale et d’utilisation à des fins de productivité de l’agriculture. Lorsque des jardiniers s’échangent des semences, il s’agit de cessions à titre gratuit, qui se pratiquent depuis des années…

M. Vincent Descoeur. Depuis la nuit des temps !

M. Stéphane Travert, ministre. …sans difficulté. Mais, dès lors qu’on veut organiser un circuit commercial, les choses se compliquent, car on doit se conformer à la réglementation.

Mme Delphine Batho. Nous parlons de jardiniers amateurs !

M. Stéphane Travert, ministre. D’après plusieurs députés, la disposition proposée serait conforme à la réglementation européenne, qui réserve l’application officielle aux seuls transferts réalisés dans le cadre d’une exploitation commerciale, autrement dit, lorsque les semences sont destinées à des agriculteurs professionnels.

Quant au Danemark, oui, il a autorisé ces pratiques, mais sans l’autorisation de la Commission européenne.

Mme Delphine Batho et M. Sébastien Jumel. Et alors ?

M. Jean-Paul Dufrègne. Cela s’appelle du courage !

M. Stéphane Travert, ministre. Cela ne correspond pas à ma façon d’agir.

M. Christian Hutin. Un peu de résistance !

M. Stéphane Travert, ministre. Comme membre du Gouvernement, je souhaite que l’on se conforme à la réglementation européenne, ce qui n’empêche pas de dire les choses quand nous sommes en désaccord avec celle-ci. Malgré la qualité des débats, je maintiens mon avis défavorable sur ces amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) »

Résutats des scrutins :

L’amendement no 2211 est rejeté à 54 voix contre, 17 pour, sur 71 suffrages exprimés (sur 84 votants)

Les amendements identiques nos 965, 1447, 2028 et 2101 sont adoptés, à 47 voix pour (30 voix contre), pour 77 suffrages exprimés (sur 85 votants)

Débats à retrouver ici

A NOTER : Ces amendements ne viennent que consacrer textuellement l’interprétation du décret 81-605 que fait le Réseau Semences paysannes, estimant que la définition de commercialisation donnée par ce dernier n’englobe pas les cessions, qu’elles soient à titre gratuit ou onéreux, à destination d’un public de jardiniers amateurs, dans la mesure où ces derniers ne font pas d’exploitation commerciale de la variété.