Niveau juridique : France
Amendement présenté par Mme Le Feur, Mme Pompili, M. Djebbari, Mme Abba, M. Arend, Mme Pascale Boyer, Mme Brulebois, M. Buchou, M. Causse, M. Cesarini, M. Colas-Roy, Mme Couillard, M. Dombreval, Mme Yolaine de Courson, Mme De Temmerman, M. Fugit, M. Haury, Mme Josso, Mme Kerbarh, M. Krabal, M. François-Michel Lambert, M. Leclabart, Mme Marsaud, Mme Meynier-Millefert, M. Morenas, M. Orphelin, Mme Panonacle, Mme Park, M. Perea, M. Perrot, M. Pichereau, Mme Riotton, Mme Rossi, Mme Sarles, M. Thiébaut, Mme Tuffnell, Mme Vanceunebrock-Mialon, M. Zulesi, M. Ferrand et les membres du groupe La République en Marche
Texte de l’amendement :
« ARTICLE ADDITIONNEL
APRÈS L’ARTICLE 14, insérer l’article suivant:
Au dernier alinéa de l’article L. 661‑8 du code rural et de la pêche maritime, après les mots : « réalisé à titre gratuit », sont insérés les mots : « ou à titre onéreux ».
EXPOSÉ SOMMAIRE
Cet amendement permet de rétablir les possibilités de cession à titre onéreux des variétés de semences relevant du domaine public et destinées aux jardiniers amateurs, activité qui permettrait d’améliorer considérablement la conservation, la diffusion et l’enrichissement de la biodiversité agricole par les artisans semenciers et jardiniers amateurs, enjeu majeur pour l’agriculture et l’alimentation du XXIème siècle.
Il s’agit en effet de rétablir cette disposition votée par le Sénat et l’Assemblée nationale lors de l’examen de la loi sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages puis censurée partiellement par le Conseil constitutionnel par sa décision n° 2016‑737 DC du 4 août 2016 en raison d’une référence initiale à une catégorie exclusive d’opérateurs, les associations loi 1901.
L’article 11 de cette loi permet en effet de lever les obstacles réglementaires à l’échange des semences de variétés anciennes, paysannes, appartenant au domaine public, en permettant à ces variétés, dès lors qu’elles sont destinées aux jardiniers amateurs ( à des « utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété »), de l’être librement, sans exigence de leur inscription préalable au catalogue. A noter que cette exemption ne concerne pas les règles sanitaires relatives à la sélection et à la production de semences, qui continuent de s’appliquer. Elle est également conforme au droit européen applicable, qui réserve l’application du catalogue officiel aux seuls transferts de semences réalisés « en vue d’une exploitation commerciale », c’est-à-dire lorsque les semences sont destinées à des agriculteurs professionnels.
Aujourd’hui, cette exemption s’applique dès lors que la cession, la fourniture ou le transfert de semences ou de matériels de reproduction des végétaux est réalisé à titre gratuit.
Mais il était aussi prévu que cette exemption pourrait donner lieu à des échanges à titre onéreux si la cession, la fourniture ou le transfert de semences ou de matériels de reproduction des végétaux était « réalisé par une association régie par la loi du 1er juillet 1901 ».
Or, le Conseil constitutionnel a considéré que cette possibilité réservée aux seules associations constituait une rupture du principe d’égalité devant la loi.
Toutefois, au lieu de censurer la seule référence faite aux associations, le Conseil constitutionnel a, sans motif apparent, supprimé l’expression « à titre onéreux » pour ne permettre au final que les échanges à titre gratuit de variétés non inscrites au Catalogue. Cela n’était pas la volonté du législateur.
Aussi, il s’agit ici de rétablir la portée commerciale de l’article 11 de cette loi en réinstaurant la possibilité de pratiquer les échanges à titre onéreux, sans réserver ceux-ci à une catégorie particulière d’opérateurs.
La volonté initiale du législateur, de même que la décision du Conseil constitutionnel, seront ainsi toutes deux respectées. »
Lien vers la page de l’amendement ici
Pour information, voici la rédaction actuelle de l’article L661-8 du Code rural :
« Les règles relatives à la sélection, la production, la protection, le traitement, la circulation, la distribution et l’entreposage des semences, des matériels de multiplication des végétaux, des plants et plantes ou parties de plantes destinés à être plantés ou replantés, autres que les matériels de multiplication végétative de la vigne et les matériels forestiers de reproduction, ci-après appelés " matériels ” en vue de leur commercialisation, ainsi que les règles relatives à leur commercialisation, sont fixées par décret en Conseil d’Etat. Ce décret fixe :
1° Les conditions dans lesquelles ces matériels sont sélectionnés, produits, multipliés et, le cas échéant, certifiés, en tenant compte des différents modes de reproduction ;
2° Les conditions d’inscription au Catalogue officiel des différentes catégories de variétés dont les matériels peuvent être commercialisés ;
3° Les règles permettant d’assurer la traçabilité des produits depuis le producteur jusqu’au consommateur.
La cession, la fourniture ou le transfert, réalisé à titre gratuit [Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-737 DC du 4 août 2016.] de semences ou de matériels de reproduction des végétaux d’espèces cultivées de variétés appartenant au domaine public à des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété n’est pas soumis aux dispositions du présent article, à l’exception des règles sanitaires relatives à la sélection et à la production. »
EDIT du 16 avril 2018 : L’amendement a été adopté par la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire lors de sa séance du 29 mars 2018 (compte rendu de la réunion disponible ici).
EDIT du 27 avril 2018 : Cet amendement, repris sous le numéro CE289 en Commission économique a été rejeté par cette dernière lors de la séance du vendredi 20 avril 2018.
Extraits des débats :
»Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, rapporteure pour avis de la commission du développement durable. Il s’agit de rétablir une disposition qui avait été votée par le Sénat et l’Assemblée nationale lors de l’examen du projet de loi pour une reconquête de la biodiversité, mais qui avait été ensuite censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu’elle faisait référence à une catégorie exclusive d’opérateurs, en l’espèce les associations « loi de 1901 ». Par cet amendement, nous vous proposons donc d’autoriser les échanges de semences anciennes à titre onéreux, mais sans réserver ceux-ci à une catégorie particulière d’opérateurs.
M. Jean-Baptiste Moreau, rapporteur. Avis défavorable. Une telle règle serait contraire au droit de l’Union européenne, qui encadre les règles de production et de commercialisation des semences lorsqu’elles sont destinées à une utilisation agricole, que ce soit dans un cadre professionnel ou amateur. Ainsi, la directive de 2009 précise que, pour être commercialisés, les semences ou matériels doivent faire l’objet d’un certificat d’obtention végétale (COV) délivré par l’État membre. Ce certificat est important car il permet de faire respecter la réglementation, notamment les obligations d’étiquetage, et de garantir l’identité des semences ainsi que leur qualité, soit leur faculté germinative. L’absence de réglementation ne permettrait donc plus de garantir la commercialisation de produits sains et loyaux et ouvrirait la porte à de nombreuses fraudes potentielles, même s’il ne s’agit ici que des semences anciennes tombées dans le domaine public.
M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Avis défavorable également. Cet amendement est incompatible avec la réglementation européenne. La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, en 2012, un avis dans lequel elle indique que les dispositions européennes actuelles permettent de concilier le respect de la directive de 2002 et la conservation des variétés anciennes et locales, grâce à la directive 2009/145/CE, qui prévoit une procédure simplifiée d’inscription au Catalogue pour les variétés de conservation. »
La commission rejette l’amendement. »
Lien vers les débats ici