Assemblée nationale question orale- Traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada (CETA)

Niveau juridique : France

Séance du mercredi 19 juillet 2017.

Lien : www.assemblee-nationale.fr/15/cri/2016-2017-extra/20171015.asp#P995889

M. le président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour le groupe La France insoumise.

Mme Clémentine Autain. Monsieur le Premier ministre, le 15 février 2017, le Parlement européen a ratifié, dans un silence assourdissant, un traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, le Comprehensive Economic and Trade Agreement, ou CETA.

M. Jean Lassalle. Eh oui !

Mme Clémentine Autain. Pire, au mépris de toute valeur démocratique, et sans aucune consultation préalable de la représentation nationale, près de 90 % des mesures prévues dans ce traité seront applicables dès le 21 septembre 2017, alors même que nos concitoyens et le Parlement ne connaissent pas réellement les effets désastreux de cet accord.

M. Jean Lassalle. C’est une honte !

Mme Clémentine Autain. Cet accord aura des conséquences graves pour notre pays, puisqu’il prévoit la déréglementation de normes à la fois sociales, environnementales, alimentaires et sanitaires. Sa mise en œuvre pourrait conduire à la suppression de 200 000 emplois en Europe, dont plus de 45 000 en France. Il frappera en priorité – comme les ordonnances relatives au code du travail, du reste – les catégories de population les plus vulnérables.

Enfin, ce traité est tout simplement un chèque en blanc fait aux multinationales (Applaudissements sur les bancs du groupe FI) puisque celles-ci pourront poursuivre les États devant un tribunal arbitral, et qu’elles seront même consultées lors de l’élaboration de nos lois, via un organe de coopération réglementaire. De tels privilèges sont une atteinte au principe même de la démocratie.

M. Jean Lassalle et M. Nicolas Dupont-Aignan. Très bien !

Mme Clémentine Autain. Monsieur le Premier ministre, le CETA constitue une menace dramatique pour notre souveraineté nationale. Il pourrait même arriver que les entreprises américaines, dont 84 % possèdent des filières au Canada, instrumentalisent cet accord. Nous vous le demandons solennellement : nous ne pouvons pas laisser le CETA devenir le cheval de Troie néolibéral qui détruira notre économie. Ratifier cet accord reviendrait à laisser les clés de notre pays aux multinationales américaines. Nous ne pouvons pas l’accepter. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)

Plusieurs députés du groupe FI. Bravo !

M. Jean Lassalle et M. Nicolas Dupont-Aignan. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre chargée des affaires européennes.

Mme Nathalie Loiseau, ministre chargée des affaires européennes. Madame la députée, le CETA constitue, dans le droit de l’Union européenne, un accord que l’on qualifie de mixte, puisqu’il concerne à la fois des domaines qui relèvent de la seule compétence de l’Union européenne, comme les droits de douane, et des compétences exercées par les États membres, par exemple en matière de protection des investissements ou de fiscalité. L’ensemble de l’accord n’entrera en vigueur qu’après sa ratification par tous les États membres. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

Mme Delphine Batho. Non !

Mme Nathalie Loiseau, ministre. En revanche, le Conseil a décidé, comme c’est la pratique, que la partie communautaire de l’accord entrera en vigueur de façon provisoire à une date à déterminer, après la ratification par le Canada, qui a eu lieu le 17 mai. Le Premier ministre a installé le 6 juillet une commission d’évaluation de l’impact de cet accord sur l’environnement, le climat et la santé.

Mme Delphine Batho. C’est une coquille vide !

Mme Nathalie Loiseau, ministre. Cette commission rendra un avis scientifique et formulera d’ici le début du mois de septembre, si elle l’estime nécessaire, des recommandations pour corriger les effets négatifs qu’elle aura identifiés.

M. Aurélien Pradié. Cela ne sert à rien !

Mme Nathalie Loiseau, ministre. C’est un engagement du Président de la République et une attente forte de nos compatriotes. Je veux assurer ici la représentation nationale que l’application provisoire de l’accord n’aura lieu qu’après que la commission scientifique aura rendu son avis, de façon à ce que nous puissions tirer toutes les leçons de ses recommandations.

M. Alexis Corbière. Tu parles !

M. Christian Hutin. Et le Conseil constitutionnel ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre. J’ajoute enfin que les travaux de la commission scientifique viseront également à proposer des éléments de méthode pour organiser une réflexion transversale sur la politique commerciale européenne, et notamment la prise en compte, dans les accords commerciaux à venir, des enjeux de préservation de la planète et de protection de la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

M. Christian Hutin. Il y a aussi des élus dans la République, non ?