Niveau juridique : France
Lien vers le compte-rendu des débats qui présente l’avis adopté en commission : www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20161003/europ.html
A) EXTRAITS, à noter il y a eu peu d’intervention et de débats :
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Mr Raoul : " Les sélectionneurs sont confrontés au fait que le matériel biologique peut être protégé par un brevet et n’est donc plus librement disponible pour de plus amples sélections, ce qui restreint les capacités d’innovation. Or il est important que le matériel génétique soit <accessible à des fins de sélection pour des innovations rapides en matière de sélection végétale>. À défaut, si ce matériel génétique est <rendu inaccessible aux tiers sans l’obtention d’une licence par un système de brevet excessivement rigide, le développement technologique et, à plus long terme, la biodiversité> s’en trouveront amoindris.
Les décisions que l’OEB a rendues en 2015 sont donc venues obscurcir un peu plus les termes du débat.
La publication par la Commission de sa notice interprétative étant annoncée pour cet automne, il est important que notre commission, en adoptant l’avis politique que nous vous soumettons, prenne position pour tenter d’influer sur la rédaction de ce texte.
Au sein de notre groupe de travail, nous avons considéré vaine la tentation d’opposer le COV et le brevet, qui sont en réalité complémentaires. Chacun de ces instruments de propriété intellectuelle doit être utilisé là où il est le plus pertinent. Il nous a paru important d’aboutir à un équilibre entre la protection des innovations et la diffusion de la connaissance et du progrès scientifique.
Afin de permettre l’accès à la diversité génétique et de poursuivre ainsi la création variétale, il convient de gérer l’interface entre le COV et le brevet. L’exception du sélectionneur, qui permet de ne pas être en contrefaçon du brevet dans la phase des travaux de sélection, est un dispositif adapté à la gestion de cette interface, d’autant plus qu’elle est reconnue par la loi française - grâce en particulier à une initiative du président Jean Bizet lors de la transposition de la directive 98/44/CE -, par la loi allemande et néerlandaise, ainsi que par le nouveau brevet unitaire européen. »
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M. Richard Yung. - Les propos et l’avis politique sont le reflet des travaux que nous avons menés en commun. Je n’ai donc rien à ajouter à ce sujet.
Je suis un peu plus optimiste que mon collègue Daniel Raoul quant à nos chances d’influencer la notice interprétative que la Commission européenne prépare, ne serait-ce que du fait du Brexit. Comme vous le savez, les Anglo-Saxons, qui n’ont pas de COV, protègent <toutes leurs espèces végétales par brevet>. Ce point est l’un des sujets de la négociation du traité transatlantique, sur lequel les Américains n’ont pour l’instant absolument pas évolué. Avec le retrait britannique, l’Allemagne, les Pays-Bas et la France, pays qui ont une activité semencière importante, ont plus de chances de peser. L’industrie de la semence est très développée et bien organisée en France. Nous devons la protéger, et pas seulement dans la belle région angevine !
(…)
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M. Daniel Raoul. - Nous ne devons pas déroger au principe de base qu’est la non-brevetabilité du vivant. Pour prendre une image, si l’on peut breveter des alliages d’acier, on ne peut, en vertu de ce principe, breveter le fer, qui est un élément naturel.
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M. Richard Yung. - Le danger, ce sont évidemment les conséquences pour l’homme de ces manipulations sur le vivant. Le débat moral, philosophique, doit nous permettre de préserver les barrières que nous avons élevées pour protéger le génome humain.
B) AVIS POLITIQUE adopté en commission
<Avis politique sur la protection juridique des variétés végétales>
1. <Vu la convention internationale pour la protection des obtentions végétales du 2 décembre 1961>,
2. Vu la convention sur la délivrance de brevets européens du 5 octobre 1973,
3. Vu la directive 98/44 du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques,
4. Vu les décisions G 1/08 et G 2/07 du 9 décembre 2010 et G 2/12 et G 2/13 du 25 mars 2015 de la grande chambre de recours de l’Office européen des brevets,
5. Vu le rapport final du groupe d’experts de la Commission européenne du 13 mai 2016 chargé d’étudier l’évolution et les implications du droit des brevets dans le domaine de la biotechnologie et du génie génétique,
6. La commission des affaires européennes du Sénat fait les observations suivantes :
7. Elle rappelle <les termes de la résolution européenne du Sénat (n° 63) du 17 janvier 2014 sur la mise sur le marché et la brevetabilité des semences et obtentions végétales> ;
8. Elle souligne <l’importance de la propriété industrielle pour la protection des innovations dans le domaine du végétal, en particulier pour l’amélioration des plantes> ;
9. Elle insiste sur la spécificité du secteur de l’agriculture et de l’alimentation qui, de même qu’elle a conduit à des dispositions particulières en matière de ressources génétiques, justifie une propriété industrielle particulière ;
10. Elle insiste <sur la complémentarité du certificat d’obtention végétale (COV) et du brevet>, qui sont <les deux instruments juridiques utilisés pour protéger les innovations issues des activités de recherche dans le domaine du végétal>, et considère vaine toute tentative de les opposer ;
11. Elle estime par conséquent que les interfaces existant nécessairement entre ces deux instruments doivent être gérées dans le respect de l’usage optimal de chacun d’eux : <le COV pour les variétés végétales et le brevet pour les inventions biotechnologiques> ;
12. Elle considère aussi que le COV et le brevet doivent pouvoir s’adapter <à l’évolution des connaissances et des technologies utilisées dans le domaine du végétal> ;
13. Elle observe que les décisions de la grande chambre de recours de l’Office européen des brevets du 25 mars 2015 appellent une clarification indispensable à la profession des sélectionneurs sur l’étendue des revendications des brevets délivrés ;
14. Elle souhaite à ce titre que la protection de l’innovation elle-même reste possible, mais que l’étendue des revendications soit strictement limitée à la création de l’inventeur et à sa descendance tandis que <les voies alternatives d’obtention de caractéristiques similaires> resteraient ouvertes et que les ressources génétiques existantes ayant des caractéristiques similaires n’entreraient pas dans le champ des revendications du brevet ;
15. Elle exprime son fort attachement au maintien de l’équilibre entre protection des innovations et accès à la variabilité génétique et note que cet équilibre a pu être atteint grâce à l’introduction de l’exception du sélectionneur dans plusieurs législations nationales, dont la loi française lors de la transposition de la directive 98/44, sans que l’ensemble du territoire couvert par la convention sur la délivrance de brevets européens ne soit toutefois concerné par l’application de cette exception ; à défaut d’une révision de la directive en ce sens, elle se félicite de l’introduction d’une telle exception dans les textes sur le brevet unitaire européen ;
16. Elle observe néanmoins que cet équilibre est <compromis à la fois par le raccourcissement des modalités de récupération des informations génétiques contenues dans une variété végétale obtenue par voie conventionnelle et par le dépôt de brevets croissant dans le domaine du végétal> qui ont pu avoir des revendications très larges ;
17. Regrettant le conservatisme des conclusions du rapport du groupe d’experts de la Commission européenne sur ce point, elle considère que le maintien de cet équilibre nécessite deux évolutions conjointes :
18. - d’une part, une adaptation des modalités d’exercice de l’exception du sélectionneur par l’introduction d’un délai, qui pourrait être d’une durée de cinq ans, entre la mise sur le marché d’une nouvelle variété et le droit d’exercice de l’exception du sélectionneur de manière à ce que l’obtenteur puisse <bénéficier d’une protection temporaire contre l’utilisation rapide par un concurrent de ses résultats de recherche obtenus au moyen de procédés de plus en plus coûteux sans bloquer trop longtemps l’accès à la nouvelle variété> ;
19. - d’autre part, la clarification du périmètre de la brevetabilité grâce à la réaffirmation de la non-brevetabilité des produits issus de procédés essentiellement biologiques et à la limitation de l’étendue des revendications à l’invention protégée et à sa descendance ;
20. Elle souhaite que l’ensemble de ces positions et propositions soient prises en compte dans la notice interprétative sur la directive 98/44 que la Commission européenne, jugeant à juste titre que la modification de cette directive serait un exercice à la fois long et périlleux, prépare afin de préciser le régime juridique d’un procédé essentiellement biologique ;
21. Elle souhaite qu’en parallèle la France engage <une réflexion au niveau européen sur la révision de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales.