Question N° : 5807 de Mme Marie-Lou Marcel ( Socialiste, républicain et citoyen - Aveyron ) Commercialisatin des semences

Niveau juridique : France

Question publiée au JO le : 02/10/2012 page : 5294

Réponse publiée au JO le : 18/12/2012 page : 7545

Texte de la question

Mme Marie-Lou Marcel attire l’attention de M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt sur la législation en vigueur relative au commerce des semences. La récente décision de la Cour de justice de l’Union européenne dans l’affaire Kokopelli vs Baumaux, illustre le rapport de force qui existe entre le droit des industriels d’un côté, et de l’autre celui des consommateurs et des agriculteurs indépendants. En effet, cette décision stipule que la « productivité agricole accrue » serait supérieure en droit à la préservation de la biodiversité, à la qualité et la diversité des productions agricoles, à la santé des consommateurs comme des agriculteurs, ou encore au droit des agriculteurs d’exercer leur activité indépendamment des industries agro-chimiques. Il est évident que cette décision ne va ni dans le sens de l’intérêt général, ni dans celui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Comme pour les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) ou les plantes médicinales, l’obligation faite aux producteurs d’enregistrer leurs semences au catalogue officiel conduit de fait à éliminer les productions artisanales ou traditionnelles, au profit des groupes industriels dont il semblerait que l’action de lobbying, tout au long de la procédure judiciaire, ait été déterminante. Eux seuls, en effet, sont en mesure de satisfaire tant aux procédures administratives longues et coûteuses, qu’à certains critères d’obtention, tels ceux d’homogénéité et de stabilité. Ces critères, qui garantissent certes un niveau de productivité plus important, sont de fait absents de la plupart des variétés traditionnelles « vivantes », ce qui constitue, du reste, leur principal atout, puisque cette « variabilité » permet précisément aux plantes de s’adapter à des conditions climatiques changeantes comme aux ravageurs, sans recours aux intrants chimiques ou semences génétiquement modifiées. Dans ce contexte, au moment même où Gilles-Eric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen, et son équipe, « viennent de montrer la nocivité des semences de maïs OGM NK603 », « propriété brevetée de Monsanto », elle souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement en matière de révision de la législation en vigueur sur le commerce des semences.

Texte de la réponse

Le ministère chargé de l’agriculture assure le suivi des travaux en cours de révision de la réglementation européenne en matière de commercialisation des variétés, semences et plants. Ces travaux visent à simplifier et rénover la réglementation actuellement en vigueur, tout en préservant et réaffirmant les objectifs de qualité et de durabilité de notre agriculture. Dans ce cadre, l’arrêt du 12 juillet 2012 de la Cour de justice de l’Union européenne relatif à l’affaire C59-11 (Association Kokopelli) est un élément important à prendre en compte dans la construction de la future réglementation. Dans cet arrêt, la Cour réaffirme la légitimité et la proportionnalité de la réglementation européenne actuelle relative à la commercialisation des semences et des plants, et souligne le fait que la validité de cette réglementation n’est affectée ni par certains principes du droit de l’Union européenne, ni par les engagements pris par cette dernière aux termes du Traité international sur les ressources phytogénétiqques pour l’alimentation et l’agriculture (TIRPAA). Ainsi, la réglementation actuelle ne viole ni les principes d’égalité de traitement, de libre exercice d’une activité économique et de libre circulation des marchandises, ni les engagements pris par l’Union aux termes du TIRPAA. Par ailleurs, la Cour rappelle que la réglementation actuelle prend en compte les intérêts économiques des opérateurs qui offrent à la vente des « variétés anciennes » ne satisfaisant pas aux conditions d’inscription aux catalogues officiels, en ce qu’elle n’exclut pas la commercialisation de ces variétés. Comme l’a souligné la Cour, la réglementation européenne, et son application sur notre territoire, tient déjà compte de la nécessité de prévoir certaines adaptations pour différentes typologies de variétés. Ainsi, des critères spécifiques d’inscription, accompagnés de dispositifs d’aide ou de gratuité d’inscription, ont été mis en place en France pour permettre l’accès au catalogue officiel de variétés anciennes ou destinées aux jardiniers amateurs. Près de trois cents variétés ont été inscrites au catalogue officiel français dans ces conditions. La Cour européenne de Justice, en tant que cour d’appel ultime de l’Union européenne, confirme la légitimité d’une réglementation mise en place historiquement pour limiter les pratiques abusives, voire dangereuses d’un point de vue phytosanitaire. Dans le cadre de la révision réglementaire en cours sur les semences et les plants, le ministère chargé de l’agriculture continuera à défendre l’accès au catalogue officiel des variétés végétales dans des conditions aménagées en tant que de besoin, dans le respect des principes fondamentaux de loyauté des échanges et de non distorsion de concurrence. Il convient de préciser que le France dispose d’un système innovant d’évaluation des variétés en vue de leur inscription au catalogue officiel, qui permet d’évaluer leur durabilité (tolérances aux maladies et ravageurs et adaptation à des stress environnementaux) dans des conduites culturales diversifiées, répondant à l’objectif de réduction de l’emploi des produits phytopharmaceutiques, notamment à l’agriculture biologique. La réglementation en matière de commercialisation des variétés, semences et plants n’a pas pour objet d’évaluer le risque associé à la dissémination de certaines biotechnologies, cette problématique faisant l’objet d’une réglementation spécifique et séparée. Elle vise en effet à garantir que les variétés et matériels de multiplication sont sains, loyaux et marchands et répondent aux attentes de l’ensemble des agriculteurs et des consommateurs. Les résultats de l’étude de Gilles-Eric Séralini et de son équipe pour lesquels des avis de l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) et du haut conseil des biotechnologies (HCB), ont d’ores et déjà été rendus, n’auront dès lors aucune conséquence sur la réglementation applicable en matière de semences.

questions.assemblee-nationale.fr/q14/14-5807QE.htm