Rapport n° 612 (2014-2015) de M. Bruno SIDO, fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques - « LA FILIÈRE SEMENCIÈRE FRANCAISE : ÉTAT DES LIEUX ET PERSPECTIVES »

Niveau juridique : France

Déposé le 9-07-2015, ce rapport fait au nom de l’O.P.E.C.S.T comprend

  • le compte rendu de l’audition publique du 22 janvier 2015 à laquelle ont notamment participer le RSP et la Confédération Paysanne

  • la présentation des conclusions du 8 juillet 2015.

IMPORTANT A NOTER : organisation d’une nouvelle audition publique au mois d’octobre 2015

Mme Anne-Yvonne Le Da in, députée. (…) En matière de protection de l’innovation, l’Union européenne a désormais opté pour le système du Certificat d’obtention végétale (COV) qui lui est apparu moins contraignant que le système du brevet, et plus compatible avec le maintien, la préservation et la valorisation de la biodiversité cultivée. En effet, le système du COV permet l’exemption du sélectionneur. Contrairement au brevet, le COV encourage donc l’innovation variétale. Par ailleurs, le COV prévoit une exemption de l’agriculteur, lequel est autorisé à reproduire ses propres semences sur son exploitation, pour sa propre utilisation, à condition de contribuer à l’investissement que représente la recherche par le paiement d’une redevance.

La capacité productive de la filière semences a été acquise de longue date grâce à ce cadre réglementaire adapté, avec des droits de propriété intellectuelle sur la création de nouvelles variétés végétales. Le système du COV – auquel la recherche publique se montre attachée – s’avère efficace car il permet d’assurer la pérennité des financements de la recherche variétale et du progrès génétique, et qu’il n’obère pas les évolutions futures en bloquant l’usage de tel ou tel “caractère d’intérêt” au bénéfice quasi-définitif d’un tiers. Enfin, il est important de prendre en considération les demandes de l’ensemble des acteurs de la filière et de parvenir à une solution équilibrée entre semences certifiées, telles qu’évoquées ci-dessus et semences dites « de ferme », afin que ces dernières puissent bénéficier d’une forme de reconnaissance scientifique et juridique des pratiques paysannes de production et d’échanges de semences et de plantes.

La France a son rôle à jouer dans la préservation de la biodiversité en matière de semences. À cet égard, il serait souhaitable qu’elle se dote d’un conservatoire national des semences scientifiquement référencé, à l’instar de ce que pratiquent un certain nombre de pays, comme les États-Unis et le Japon. Ces banques de conservation permettent un accès simplifié au matériel végétal, indispensable à la sélection qui permet d’adapter les plantes cultivées aux besoins locaux, agricoles et alimentaires, aux réalités et aux évolutions environnementales et au développement des nouvelles maladies. Compte tenu de la place prépondérante de la France, tant pour la production que pour l’exportation de semences, la création d’un conservatoire national ne pourrait qu’avoir des retombées positives sur l’ensemble de la filière et conforterait sa notoriété et son indépendance.

Par ailleurs, afin de contribuer au dynamisme de la filière, il apparaît également nécessaire de renforcer la formation de personnels qualifiés dans le domaine de l’évaluation. En effet, les modalités d’inscription au catalogue reposent sur deux grands concepts, les critères DHS (distinction, homogénéité, stabilité) et VATE (valeur agronomique, technologique et environnementale). La vérification de la conformité aux critères DHS et VATE mobilise donc de nombreux personnels spécialisés. Il serait souhaitable de renforcer ce capital de compétence et d’expertise et de le développer avec le réseau professionnel, en ouvrant des formations correspondantes à ces besoins, notamment de type technicien (niveau licence ou licence pro), dans les établissements scolaires et universitaires.

Enfin, il convient de préciser que les filières horticoles et fruitières sont concernées par ces questions, tout autant que les filières céréalières, légumineuses ou fourragères. C’est la raison pour laquelle, dans le précédent texte, je parlais de semences et de plants, plutôt que de plantes.

(…)

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Cette audition publique sur les semences, avec la notion de conservatoire, la technologie qui est derrière et la filière importante que cela représente, pose aussi la question de ce qu’on appelle les ressources génétiques : d’où viennent les semences, comment sont-elles construites, par où les prend-t-on ? Ces questions vont déboucher sur l’organisation d’une nouvelle audition publique au mois d’octobre 2015.

M. Jean-Yves Le Déaut. Sur la question des ressources génétiques, c’est envisagé pour début octobre, dans le cadre d’une audition publique que je présiderai moi-même.

M. Bruno Sido, sénateur, premier vice-président de l’OPECST Je voudrais rendre hommage à la filière semencière car le progrès génétique a joué un rôle essentiel pour le progrès de l’agriculture, avec également l’utilisation des engrais, etc. Il fut un temps, il y a une trentaine, voire une quarantaine d’années, où on cherchait, par exemple, le blé le plus productif, sans se préoccuper de savoir s’il résistait aux rouilles, aux maladies en général, aux insectes, à la sécheresse, etc. Désormais, les semenciers travaillent à la fois à maintenir le potentiel de rendement et à introduire des capacités de résistance à un certain nombre de maladies pour utiliser le moins de produits phytosanitaires ou pesticides. On remarque quand même que, en ce qui concerne le blé, l’augmentation de la productivité plafonne et qu’il en va de même pour le colza. On ne constate plus de progrès génétique, on a l’impression de plafonner et j’aurais aimé pouvoir en demander la raison aux obtenteurs. On effectue la même observation au niveau national : au-delà des accidents climatiques, on n’observe plus d’augmentation des rendements similaire à celles constatées au cours des années 1960-1970, voire 1980.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. C’est une vraie question et elle est fondamentale. Cela provient peut-être aussi du fait que, pendant un certain temps, au cours des années qui viennent de s’écouler, peut-être une vingtaine d’années, il y a eu dans l’imaginaire du monde économique, surtout international, l’idée qu’une variété pouvait être omnipotente, partout, sous tous les climats, dans toutes les conditions et que la grande question de la productivité n’était pas un problème de semences mais d’intrants.

On atteint les limites de ce système et c’est pourquoi le fait de disposer, en France, d’une économie de semenciers avec beaucoup d’obtenteurs très formés permet de s’adapter à la réalité des climats, des populations, des situations locales et notamment de pouvoir s’adapter aux contraintes locales en termes d’eau, de sécheresse, de maladies et de besoins des populations. C’est une orientation nouvelle et c’est la raison pour laquelle, il était important que l’Union européenne accepte la notion de certificat d’obtention végétale parce que c’est une manière de concevoir la biologie et l’agriculture en articulation avec le territoire et les réalités, alors que le brevet correspond à quelque chose de beaucoup plus universel. On se trouve donc devant un changement de sens et je me réjouis qu’on ait travaillé sur le thème des semences. Je vous remercie d’avoir accepté que l’OPECST s’intéresse à quelque chose qui, apparemment, était extrêmement trivial et qui s’avère, en réalité, extrêmement scientifique.

M. Jean-Yves Le Déaut. Qui vote contre ces conclusions, qui s’abstient ? Ces conclusions sont adoptées à l’unanimité et il est pris acte du compte rendu de l’audition publique.

 

CONTRIBUTION DE MME MARIE-CHRISTINE BLANDIN, SÉNATRICE, ET DE M. DENIS BAUPIN, DÉPUTÉ

Très sensibles aux enjeux de la production, de la mise en culture, de la diffusion des semences et de la connaissance et l’avenir du patrimoine génétique végétal, les écologistes approuvent le travail de la rapporteure, qui n’a pas omis d’écrire l’importance de la diversité, de l’adéquation aux écosystèmes locaux et les attentes de reconnaissance juridique des pratiques paysannes de production et d’échange de semences.

En revanche, nous considérons que la satisfaction des besoins alimentaires mondiaux ne se résume pas à la seule productivité, quand on voit comment les céréales, par exemple, sont objets de spéculation, alors que subsistent des famines.

C’est pourquoi les écologistes regrettent que l’enjeu strictement économique de la filière semencière conduise dès le premier paragraphe à la phrase: « il apparait donc essentiel de contribuer à son développement notamment grâce à une réglementation évolutive et adaptée à ses besoins ». Cette affirmation, qui met le développement au service de l’économie plutôt que l’économie au service de l’homme, prend le risque de promouvoir une législation favorable aux seuls bénéfices d’une filière, aux dépens de la diversité et du développement vraiment durable.

CONTRIBUTION DE MME ANNE-YVONNE LE DAIN, DÉPUTÉE

Le concept de « développement » que j’ai utilisé au début de la présentation des conclusions (Cf. p.71) s’entend comme faisant référence au « développement de la filière » ou au «  développement des entreprises de la filière », un tel développement ayant pour objectif premier de permettre et de faciliter le « développement humain » et le « développement des sociétés humaines » qui sont bien évidemment l’enjeu premier de tout développement économique.