Niveau juridique : France
Question publiée au JO le : 11/09/2012
Réponse publiée au JO le : 18/12/2012 page : 7531
Texte de la question
M. Yves Jégo attire l’attention de Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie sur le mécontentement des agriculteurs à l’encontre de ce qu’ils appellent « l’écologie administrative ». Les professionnels déplorent l’amoncellement des réglementations et des contraintes qui affectent l’exercice responsable de leur activité ainsi que la multiplication des taxes et redevances qui grèvent chaque jour davantage leurs revenus déjà fort aléatoires. Il s’agit, d’une part, de l’obligation en 2012 de 100 % de couverture automnale des sols dans le cadre du 4e programme des zones vulnérables, de tous les contrôles, très subjectifs, relatifs aux « bonnes conditions agricoles et environnementales », de l’obligation de 7 % de jachère prévue dans la PAC 2014-2020 alors que nous ne sommes plus en période de surproduction, et de quantités d’autres mesures drastiques imposées par une administration qui méconnaît les réalités paysannes. Il s’agit, d’autre part, de nouvelles taxations telles que la contribution volontaire obligatoire qui s’applique maintenant à 21 nouvelles cultures ou le doublement inexplicable de la redevance liée à l’irrigation ; ce sont autant de nouveaux prélèvements qui affectent les revenus et les capacités d’investissement du monde agricole. Il lui demande donc ce qu’envisage le Gouvernement pour rassurer ainsi les agriculteurs sur leur avenir.
Texte de la réponse
L’importance des enjeux tant de production agricole que de préservation de l’environnement conduit à rechercher des modes de production conciliant performance économique et écologique. S’agissant de la couverture automnale des sols, afin d’améliorer durablement la qualité des eaux en matière de pollution par les nitrates et de contribuer à la réalisation des objectifs de qualité des masses d’eau fixés par la directive cadre sur l’eau, les quatrièmes programmes d’actions nitrates ont été renforcés par deux nouvelles mesures applicables à l’ensemble des zones vulnérables : le maintien des bandes végétalisées le long des cours d’eau et l’obligation de couverture des sols pendant la période de risque maximal de lessivage. L’implantation d’une culture intermédiaire piège à nitrates (CIPAN) à la fin de l’été et à l’automne présente, lorsqu’elle est réalisée dans de bonnes conditions, des bénéfices agronomiques, environnementaux et économiques. Si le premier objectif d’une CIPAN est d’absorber les nitrates préésents dans le sol pour éviter leur entraînement vers les eaux, la CIPAN peut également aider à lutter contre les phénomènes d’érosion, améliorer l’état structural du sol, ou encore limiter les coûts de fertilisation en restituant l’azote qu’elle stocke à la culture suivante. Bien choisi, le couvert intermédiaire est aussi susceptible de contribuer au contrôle des adventices et à la lutte contre certains ravageurs ou maladies. Une culture intermédiaire peut également être valorisée en production fourragère ou en culture énergétique. Les récentes évolutions réglementaires relatives à l’application de la directive « nitrates », dans le cadre d’une procédure contentieuse intentée par la Commission européenne contre la France auprès de la Cour de Justice de l’Union européenne pour mauvaise application de la directive, incluent la reconduction de cette mesure de couverture végétale destinée à absorber l’azote du sol dont l’intérêt a été confirmé par l’expertise scientifique collective achevée par l’institut national de la recherche agronomique en juin 2012. Une concertation sur le projet d’arrêté qui complétera le programme d’actions national, a été ouverte fin septembre et une consultation du public est ensuite prévue. L’ensemble des propositions recueillies sur ce sujet sera analysé afin d’établir des modalités de mise en oeuvre de cette mesure permettant d’optimiser son efficacité environnementale de façon adaptée à l’ensemble des cultures et des territoires. S’agissant de la PAC post-2013, les bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE) sont prévues par la réglementation européenne qui définit le principe de conditionnalité soumettant le versement de certaines aides communautaires au respect d’exigences et de normes réglementaires. La France met en oeuvre ces BCAE, qui doivent être définies par chaque Etat membre, de manière pragmatique : elle a ainsi fixé un cadre juridique au niveau national, en laissant toutefois le soin aux préfets d’adapter les normes afin de prendre en compte des spécificités locales. Ces modalités permettent de garantir l’équité des agriculteurs au regard de la réglementation, l’adaptation des normes aux réalités agricoles locales et l’objectivité des contrôles effectués sur la base de référentiels connus. Le projet de règlement relatif aux soutiens directs pour la politique agricole commune de l’après-2013 prévoit notamment un dispositif d’aide forfaitaire lié à la mise en oeuvre, par l’agriculteur, de mesures favorables à l’environnement. Cette aide, appelée « verdissement », doit représenter 30 % du budget total des aides directes. La commission propose trois mesures qui doivent être respectées par chaque agriculteur, dont une obligation consistant à consacrer 7 % de la surface agricole de l’exploitation, hors prairies permanentes, à des éléments d’intérêt écologique comme les terres mises en jachères, les terrasses, les bandes tampons ou les particularités topographiques. La France est favorable au principe de verdissement car il contribue à la légitimité des soutiens directs versés aux agriculteurs. Toutefois, la proposition de la Commission européenne mériterait d’être améliorée pour que les modalités de mise en oeuvre du critère relatif aux surfaces d’intérêt écologique ne soient pas contradictoires avec les enjeux de performance économique des exploitations agricoles. S’agissant des contributions volontaires obligatoires, la loi n° 2011-1843 du 8 décembre 2011 relative aux certificats d’obtention végétale (COV) conforte le dispositif des COV comme élément essentiel de protection intellectuelle des variétés végétales, permettant de protéger l’innovation dans le secteur de la génétique végétale dans le respect de l’équilibre des droits entre les différents acteurs. Cette loi permet également à la France de se mettre en conformité avec ses engagements internationaux en matière de protection intellectuelle des obtentions végétales, et notamment avec la convention de 1991 de l’union pour la protection des obtentions végétales (UPOV). Ces engagements ont été réaffirmés à travers la publication du texte de cette convention par décret du 5 juillet 2012. Le dispositif des COV tel que prévu par la convention de l’UPOV est un système de protection intellectuelle plus ouvert que d’autres dispositifs comme celui des brevets. En effet, ce dispositif permet entre autres de façon encadrée que l’agriculteur qui met en culture une variété protégée puisse utiliser une partie de sa récolte comme semence en vue de la récolte suivante (« semence de ferme »), sans accord préalable de l’obtenteur. Le texte de la loi renvoie à des accords interprofessionnels le soin d’organiser les modalités de cette pratique, notamment le versement d’une indemnité aux obtenteurs détenteurs du COV afin de prévoir une juste rémunération de leurs travaux de recherche. Ce texte n’oblige aucun agriculteur à utiliser une variété protégée. Pour les variétés non protégées, ce texte ne modifie par ailleurs en rien les droits des agriculteurs à ressemer leur champ avec une partie de leur récolte. Ainsi, la loi du 8 décembre 2011 ne crée en aucune façon une nouvelle taxe pour les agriculteurs, mais au contraire donne désormais un cadre légal à la pratique des semences de ferme pour des variétés protégées par un COV national, pratique qui était courante dans le monde agricole. Il était en effet urgent, à travers la modification de notre droit national et dans le respect des règles internationales, de remettre dans la légalité cette pratique de nombreux agriculteurs. Les décrets d’application de cette loi sont actuellement en cours de rédaction par le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Leur élaboration, qui doit se faire dans le respect de la réglementation européenne elle-même en évolution, nécessite un pas de temps suffisant permettant d’assurer une large consultation des parties prenantes. Toutes les souplesses nécessaires seront intégrées, dans la limite du possible, dans ces décrets d’application. La publication de la loi et prochainement de ses décrets d’application sont les éléments essentiels du renforcement du dispositif de soutien à la recherche et l’innovation en France dans le domaine végétal, à travers un dispositif de protection intellectuelle permettant de garantir l’équilibre des intérêts entre les différents acteurs tout en favorisant la sélection végétale. S’agissant des redevances liées à l’irrigation, la loi de finances pour 2012 adoptée en lecture définitive le 21 décembre 2011 par l’assemblée nationale prévoit certaines augmentations des plafonds de redevance. Dans la limite de ces plafonds, la fixation des taux de redevance pour prélèvement relève de la gouvernance de bassin. Les acteurs agricoles sont pleinement associés aux discussions.