Bilan synthétique de la Loi reconquête de la Biodiversité

Réseau Semences Paysannes,

Résumé

A travers son implication importante (animation et contribution sur le fond) au sein du Collectif Semons la Biodiversité1, le RSP a suivi l’ensemble de ce projet de loi.

Après deux années et demie de discussion et un recours auprès du Conseil Constitutionnel, la loi a été définitivement publiée au Journal Officiel le 09 août dernier. Le bilan est mitigé.

Texte complet

  • Au niveau du droits des paysans d’échanger des semences, les échanges entre paysans de semences de variétés non protégées par un COV sont désormais autorisés dans le cadre général de l’entraide agricole. Il n’est plus nécessaire d’appartenir à un GIEE pour bénéficier de cette possibilité(article 12).

  • Concernant les échanges entre jardiniers (article 11), le droit d’échanger gratuitement des semences et plants n’appartenant pas à des variétés enregistrées au catalogue officiel entre jardiniers amateurs est à présent clairement inscrit dans la loi. Cet article réduit par contre cette reconnaissance aux seules variétés du domaine public et impose aux échanges à titre gratuit entre amateurs le respect de règles sanitaires spécifiques à la production des semences commerciales, alors que le respect des règles sanitaires de base communes à toutes cultures apparaît suffisant dans ce cas.

Quant à la reconnaissance de la vente de ce type de semences à destination des amateurs, cela a été inscrit dans le texte par les parlementaires. Cependant le Conseil constitutionnel a supprimé cette partie de l’article 11 : en effet les parlementaires avaient ici réduit la possibilité de vente uniquement aux associations loi 1901, et créaient ainsi selon le juge une « inégalité devant la loi » pour les autres acteurs potentiels pouvant pratiquer cette vente (ex : artisans semenciers).

Le RSP a toujours défendu que la circulation des semences à destination des amateurs n’implique pas l’obligation d’inscription de la variété au catalogue2. Les textes en vigueur n’ont donc jamais interditla circulation de ces semences entre (don) et à destination (vente) des amateurs . Au final, l’article 11 ne fait donc que reconnaître positivement une partie de ce droit (uniquement les échanges à titre gratuit ou don )en rajoutant une contrainte supplémentaire (règles sanitaires) très dangereuse pour la biodiversité . En pratique, il faudra être vigilant : si des contrôles sur des bourses aux semences, par exemple, sont mis en place pour vérifier le respect de ces règles sanitaires, il sera important de ne pas se laisser impressionner et de se mobiliser collectivement contre l’absurdité d’imposer des règles sanitaires pensées pour les industriels semenciers aux échanges gratuits entre amateurs.

  • Au niveau de la brevetabilité des traits natifs, la loi (article 9) interdit désormais les brevets français sur les plantes et les animaux issus de croisement ou de sélection « classique » (y compris les éléments qui les constituent et les informations génétiques qu’ils contiennent). Il s’agissait ici de préciser clairement le droit car une décision juridique de l’Organisation Européenne des Brevets de mars 20153 a jugé que les textes en vigueur n’empêchaient pas la brevetabilité d’un produit (à savoir une plante), même si ce dernier était issu d’un procédé non brevetable (à savoir le croisement et la sélection classique).

Si cette précision était nécessaire, elle ne permet pas à elle seule de régler la question des brevets qui touchent les « traits natifs » (c’est à dire les caractéristiques qu’une plante possède naturellement, et qu’ un paysan ou un jardinier peuvent reproduire chez eux). En effet, le droit actuel permet de faire porter les brevets sur différents types d’objets : un brevet peut concerner un procédé, mais il peut aussi porter sur des « produits » tels que de la matière biologique4 ou encore une information génétique (étape ultime de la dématérialisation, car il s’agit ici du lien identifié entre une partie du génome et une caractéristique spécifique comme la résistance à un puceron). En pratique, les brevets sur ces « produits » s’étendent à toutes les plantes qui expriment les propriétés déterminées dans le brevet. Le poivron que vous avez sélectionné sur la base de pratiques paysannes pourrait lui aussi détenir les mêmes propriétés de résistance à un puceron que celles comprises dans une information génétique brevetée… Avec son article 10 , la loi biodiversité a donc également limité la portée des brevets portant sur une matière biologique : si un tel brevet est octroyé, alors il ne protégera pas la plante obtenue par une sélection classique ou un croisement et qui aurait les mêmes propriétés que la matière biologique brevetée. Cette limitation s’applique en France à la fois à la portée des brevets français et des brevets européens.

Par contre les parlementaires ont supprimé du texte lors de la dernière lecture la limitation des brevets portant sur une information génétique : on identifie donc clairement ici un enjeu pour les entreprises déposant ce type de brevet et on comprend également que le gouvernement est loin d’avoir réglé la question de la brevetabilité des traits natifs malgré son affichage.

  • Concernant les nouveaux OGM, la majorité des parlementaires et le gouvernement n’ont pas souhaité soutenir les propositions collectives suivantes soutenues par Semons la Biodiversité : moratoire sur la culture des VrTH (variétés rendues tolérantes aux herbicides) et réglementation des nouveaux OGM (faussement appelés NBT).