Sénat - Commission de l’environnement - Table ronde sur les pollinisateurs

Niveau juridique : France

Le 22-02-2017, cette table ronde a réuni M. Richard Thiéry, Directeur du laboratoire pour la santé des abeilles, et Mme Agnès Lefranc, Directrice de l’évaluation des produits réglementés, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), M. Luc Belzunces, Directeur de recherche et responsable du laboratoire de toxicologie environnementale, et M. Jean-Luc Brunet, Directeur d’unité adjoint, Institut national de la recherche agronomique (INRA), M. Gilles Lanio, Président de l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF), M. Michel Perret, Chef du bureau de la faune et de la flore sauvages, et Mme Jeanne-Marie Roux-Fouillet, Chef de projet du Plan national d’actions « France, Terre de pollinisateurs », Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer.

Lien vers les débats complets : www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20170220/devdur.html

EXTRAITS CHOISIS

  • M. Hervé Maurey, président : « En France, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité a prévu l’interdiction de l’utilisation des néonicotinoïdes pour le traitement des semences à compter du 1er septembre 2018, avec des dérogations possibles pouvant être accordées jusqu’au 1er juillet 2020. La semaine dernière, un projet de décret relatif à la liste des néonicotinoïdes concernés par l’interdiction a été mis en consultation ; sept substances sont visées »

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  • M. Rémy Pointereau. - Agriculteur et producteur de semences, je travaille avec des apiculteurs depuis 1975 : les abeilles sont nécessaires à la multiplication des semences, notamment de carottes et de betteraves. L’utilisation des pesticides a commencé en 1975, pour traiter les céréales couvertes de pucerons. Les pertes atteignaient alors 50 %, en particulier à cause de la jaunisse nanisante. Or les produits que nous utilisions à l’époque, comme le parathion éthyl, étaient efficaces ; nous les répandions au coucher du soleil, sans les mélanger avec les fongicides. Nous n’avions pas de problème avec les apiculteurs. Supprimé dans les années 2000, le parathion éthyl a été remplacé par les néonicotinoïdes, qui posent beaucoup plus de problèmes ; mais si tous les insecticides sont supprimés, nous risquons de retrouver les niveaux de perte d’il y a trente ou quarante ans. Y a-t-il des alternatives ? Interdit depuis vingt ans pour les céréales, le diméthoate a été autorisé jusqu’en 2016 pour le traitement des cerisiers… L’Anses et l’Inra ont-elles déjà mené des études pour développer des solutions alternatives ?

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  • M. Luc Belzunces. - Dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, l’attention était concentrée sur deux catégories de molécules : les pyréthrinoïdes et les organophosphorés. On voyait alors des colonies entières d’abeilles en bonne santé s’effondrer en sept à dix jours, ce qu’aucune maladie ne peut provoquer. Et pourtant, les insecticides pyréthrinoïdes sont toujours utilisés. Interdire les néonicotinoïdes, par conséquent, améliorera la situation mais ne résoudra pas le problème, puisqu’ils ne sont pas les seuls responsables des dégâts causés aux abeilles. Autre exemple, la toxicité des fongicides a mal été évaluée : on a déterminé leurs effets sous 48 heures, alors que leur toxicité commence cinq à six jours après l’utilisation. Ils sont aujourd’hui autorisés à la pleine floraison.

Les organophosphorés ont été interdits en raison de leur toxicité directe pour l’environnement et l’être humain. Il a été montré qu’en exposant 200 abeilles au traitement, on en tuait 4 000 à cause des contacts ultérieurs entre les insectes. Les néonicotinoïdes posent un problème différent : ce sont des molécules systémiques qui présentent une toxicité résiduelle. Même la technique de l’enrobage des semences n’est pas sans danger, puisque le produit se disperse alors dans les sols avant d’être réabsorbé par la plante, qui le diffuse dans le pollen et le nectar. On en retrouve même dans les huiles.

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  • M. Hervé Maurey, président. - Lorsque vous avez évoqué la recherche d’espèces végétales plus résistantes, j’ai entendu plusieurs de mes collègues prononcer le mot « OGM »…

M. Luc Belzunces. - Rien n’oblige à recourir aux OGM ! Il suffit par exemple de recourir aux semences vernaculaires. Voyez l’Amérique du Sud, où l’interdiction de semences cultivées par les Toltèques, les Mayas, les Aztèques depuis des siècles ont été interdites a eu pour conséquence une recrudescence des maladies.