Sélection participative décentralisée: Un exemple de recherche orientée par la demande

Intervention (Résumé) - Atelier « semences et changement climatique », Planète Diversité, Bonn, mai 2008

Salvatore Ceccarelli, ICARDA, Syrie

Résumé

La sélection participative est perçue par plusieurs scientifiques comme une manière de surpasser les limites de la sélection conventionnelle en offrant aux paysans la possibilité de décider quelles variétés correspondent le mieux à leurs besoins et aux conditions sans exposer le ménage à des risques survenues durant le travail de sélection lorsqu’un certain nombre de lignées doivent être écartées.

Texte complet

Il est largement reconnu que la sélection conventionnelle a bénéficié davantage les agriculteurs situés dans des environnements de grand potentiel ou ceux qui pouvaient profitablement modifier leur environnement à de nouvelles variétés que les paysans les plus pauvres, qui ne disposaient pas de moyens pour modifier leur environnement à travers l’introduction d’intrants supplémentaires et qui ne pouvaient pas risquer de remplacer leurs variétés traditionnelles, bien connues et fiables. Par conséquent, d’une part, des rendements inférieurs, des récoltes déficitaires, la malnutrition, la famine et éventuellement la pauvreté affectent encore une grande partie de l’humanité. D’autre part, le développement agricole issu de la “Révolution Verte” a entraîné à différents degrés la dégradation de l’environnement et l’érosion génétique.

 

La sélection participative est perçue par plusieurs scientifiques comme une manière de surpasser les limites de la sélection conventionnelle en offrant aux paysans la possibilité de décider quelles variétés correspondent le mieux à leurs besoins et aux conditions sans exposer le ménage à des risques survenues durant le travail de sélection lorsqu’un certain nombre de lignées doivent être écartées.

 

La sélection participative exploite les gains potentiels de la sélection pour une adaptation spécifique par le biais de la sélection décentralisée, définie en tant que sélection dans l’environnement ciblé, et constitue la conséquence conceptuelle ultime d’une interprétation positive des interactions environnementales pour un génotype X.

 

Ce texte décrit un modèle de sélection participative qui exploite les avantages comparatifs de deux principaux partenaires, l’Institution et des agriculteurs. Les avantages de l’Institution (national et international) sont 1) l’accès presque illimité aux ressources génétiques, 2) la capacité de générer une grande variabilité génétique, 3) la capacité de stocker l’information générée durant le processus de sélection et de les rendre accessibles au public, et 4) de maintenir un réserve de sécurité pour le matériel de sélection dans le but d’éviter des pertes dues au climat ou à d’autres causes. Les avantages des paysans sont 1) leurs connaissances profondes de l’environnement physique (y compris des pratiques agricoles) et socio-économique dans lequel ils oeuvrent, 2) leurs connaissances du type de variété qui correspond le mieux à leurs environnements physique et socio-économique, 3) leurs connaissances de la culture et son adaptation à l’environnement. Par conséquent, ce modèle est très flexible parce qu’il peut servir une multitude de paysans avec des besoins différents et changeants et en particulier, pour les besoins de l’agriculture biologique.

 

Dans le modèle que nous utilisons, la variabilité génétique est générée par des sélectionneurs professionnels, la sélection est menée conjointement avec des sélectionneurs, des techniciens et des paysans dans plusieurs fermes représentatives de différents environnements ciblés, et après quatre cycles de sélection et de tests, les meilleures sélections sont multipliées et cultivées par les agriculteurs ainsi qu’utilisées par des sélectionneurs dans d’autres cycles de recombinaison et de sélection.

 

Ainsi, d’un point de vue scientifique, le processus est similaire à un programme de sélection conventionnelle sauf pour trois grandes différences : a) les essais et la sélection se déroulent sur la ferme plutôt que dans une station, b) les principales décisions sont prises conjointement par les paysans et les sélectionneurs, c) le processus peut être mis en Ĺ“uvre de manière indépendante dans un grand nombre d’endroits dotés de conditions climatiques et agronomiques différentes.

 

Pour les cas où les variétés peuvent être diffusées à travers des systèmes officiels de distribution et de multiplication de semences, nous nous assurons qu’elles soient accompagnées d’un mécanisme de reconnaissance et de partage des avantages appropriés. Dans les cas où les semences ne sont pas acceptées par des systèmes officiels de diffusion et de multiplication, la distribution et la multiplication des semences prometteuses sont transférées aux paysans dans le cadre de systèmes locaux de production de semences, au niveau des villages. Certains paysans ont également lancé des activités de commercialisation.

 

Des programmes utilisant différents variants de ce modèle de base (avec un nombre différent de variétés, de taille de lots, d’emplacements, de conception environnementale, etc.) sont actuellement en application en Syrie, Jordanie, Égypte, Algérie, Érythrée et Iran avec une grande gamme d’espèces, notamment de l’orge, du blé, des lentilles, des pois chiches et haricots faba.

 

Le modèle offre les avantages suivants : les variétés sont diffusées plus tôt que dans le cadre de la sélection conventionnelle, la distribution et la multiplication des semences se concentrent sur des variétés qui sont sûres d’être acceptables aux paysans, une augmentation de la biodiversité étant donné que différentes variétés sont sélectionnées dans divers emplacements, les variétés correspondent à la gestion agronomique que les paysans connaissent et qu’ils peuvent financièrement se permettre, par conséquent, ces variétés sont accessibles aux paysans les plus pauvres. Ces avantages sont particulièrement pertinents pour les pays en voie de développement où d’importants investissements réalisés dans le domaine de la sélection n’ont pas résulté dans une augmentation de la production, en particulier dans les environnements marginaux.

 

Au-delà des bénéfices économiques, la recherche participative offre un certain nombre d’avantages psychologiques, morales et éthiques qui sont la conséquence d’une autonomisation (empowerment) progressive des communautés paysannes. Ces avantages ont un impact sur leur vie au-delà des aspects agricoles.

 

En conclusion, la sélection participative, en tant qu’exemple de recherche orientée par la demande, donne la parole aux paysans, y compris ceux qui ont été traditionnellement les plus marginalisés, notamment les femmes, et elle élève la connaissance locale au niveau de la science.